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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
30 juillet 2020

Tiers-mondisation du réseau régional : la ligne fret Volvic-Le Mont-Dore menacée de fermeture, les collectivités priées de payer

 Nouvelle illustration de l’effrayante tiers-mondisation des réseaux ferrés des régions françaises, le sort calamiteux de Volvic-Le Mont Dore, reliquat de la « ligne des Puys » Clermont-Ferrand-Ussel et son embranchement à Laqueuille vers le Mont-Dore.  Longue de 53,5 km entre Volvic, terminus des navettes TER de et vers Clermont-Ferrand, et l’embranchement de l’usine d’embouteillage de la société Sources du Mont Dore en Auvergne (SMDA), 5 km en aval du terminus du Mont-Dore au Genestoux, cette ligne capillaire fret en déshérence était menacée de fermeture dès la fin 2020. Une première tranche de travaux de maintenance d'urgence à été financée in extremis pour reporter la sentence d'un an, a-t-on appris le 24 juillet.

 Des travaux doivent être entrepris sans délais, avait annoncé le directeur territorial de SNCF Réseau en Auvergne-Rhône-Alpes, Thomas Allary, qui avait avoué lors d’une réunion vendredi 10 juillet à la préfecture de  Clermont-Ferrand ne pas avoir les budgets… tout en souhaitant ne pas fermer. Une main tendue aux collectivités placées sous la menace implicite de voir exploser le trafic des camions si elles ne paient pas.

L’usine SMDA des eaux Mont-Dore est le seul industriel embranché, le trafic voyageurs fut florissant

  L’usine SMDA est le seul industriel  embranché sur cette section. Le trafic voyageurs, jadis florissant, a été supprimé en 2015 entre Clermont-Ferrand et Le Mont-Dore, station de ski hivernal, de tourisme estival et d’activités thermales proche du Puy de Sancy, aux eaux appréciées depuis l’antiquité. La gare (fermée) du Mont-Dore se situe à 1.009 m d’altitude. La ligne desservait aussi la célèbre station thermale de La Bourboule.

Mont-DoreCarte du réseau originel de la région des Puys et d'Auvergne du nord. Il n'en reste quasiment rien, hormis l'axe nord-sud passant par Clermont-Ferrand et les moignons Mont-Dore-Clermont (Volvic-Clermont pour les TER) et la ligne à l'ouest d'Ussel.

 La « ligne » en question est en fait composée de deux sections : de Volvic à Laqueuille (44,3 km), partie de l’ancienne transversale (Ussel)-Eygurande-Merlines-Clermont-Ferrand ; de Laqueuille au Mont-Dore (13,9 km), antenne en cul-de-sac desservant Saint-Sauve et La Bourboule.

 Cette dernière fut jadis desservie par des trains directs en provenance tant de Paris (jusqu’en 2006) que de Bordeaux, Nîmes ou Besançon. Une trame étoffée de circulations voyageurs régionales permettait de drainer une abondante clientèle de touristes tout en servant de lien à la population locale employée dans le secteur des thermes, de l’embouteillage et des autres activités sylvicoles, agricoles, d’élevage…

Une ligne ultra-déficitaire… puisqu’on y a supprimé tout trafic voyageurs et les wagons isolés

 La disparition de tout trafic voyageurs et celle du wagon isolé ont mécaniquement creusé le déficit comptable de ce reliquat d’un réseau jadis florissant. Bien que SMDA expédie 40 % de sa production par rail, SNCF Réseau annonce 23.000 euros de recettes par an pour des charges de maintenance annuelle qu’elle évalue à 1,2 million d’euros.

Mont-DoreGare du Mont-Dore. Ce terminus fréquenté jadis par des directs depuis Paris, Besançon, Nîmes ou Bordeaux, justifiait l'ampleur de ce bâtiment construit par la compagnie du chemin de fer Paris-Orléans. Aujourd'hui la cour sert aux autocars. (Doc. Wikipedia)

« Actuellement, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, on a douze lignes capillaires fret qui connaissent la même problématique. Et celle du Mont-Dore est la plus urgente à traiter. La réunion en préfecture (...) était justement pour faire un état des lieux, pour chercher des solutions. Le sujet n'est pas arrivé sur la table du jour au lendemain », avançait le directeur régional de SNCF Réseau. Thomas Allary, dans des propos rapportés par La Montagne, expliquait encore que « la ligne présente des risques de sécurités urgents ».

La douloureuse : 400.000 euros en 2020, 900.000 euros en 2021

Le directeur territorial a présenté le devis : 400.000 euros de travaux en 2020 pour les voies et la signalisation suivis de 900.000 euros de travaux en 2021 pour le même poste ; puis d’un programme de remise en état étalé sur dix ans à évaluer. Les collectivités territoriales étaient priées de passer à la caisse.

 Finalement, la première tranche de 400.000 euros sera financée par l'Etat, la région, le département et les intercommunalités. Entraînant un sursis d'un an.

Thomas Allary avait expliqué aux élus, effrayés de voir passer un surcroît de norias de camions sur leurs routes de montagne, que « chaque année, il faudrait 4 milliards d'euros au niveau national... mais la trajectoire financière nous permet d'investir 3 milliards d'euros » et que « du coup, il faut prioriser. »

 La priorisation ? Les lignes radiales évidemment : « Le prioritaire, c'est le réseau structurant comme la ligne Clermont-Paris. C'est pour cela que l'on parle sur cet axe d'investissement de plus de 750 millions d'euros. Mais ensuite les lignes de dessertes fines pour les voyageurs et les lignes capillaires fret ne sont pas prioritaires »… bien qu’elles appartiennent au réseau ferré national propriété de l’Etat et légalement à sa charge.

A défaut de prise en charge de la maintenance, fermeture fin 2020

 On ne saurait être plus clair. Pour faire bonne mesure, Thomas Allary avait menacé : « A défaut d'investissements pour résorber ces risques, l'exploitation de la ligne sera suspendue fin 2020 pour raisons de sécurité. A défaut de prise en charge de la maintenance, l'exploitation de la ligne ne pourra plus être assurée par SNCF Réseau au-delà de 2020. »

Mont-DoreDoublet de X73500 assurant l'une des dernières missions TER Clermont-Ferrand-Le Mont-Dore peu avant le transfert total sur route en 2015, pour des temps de parcours par car équivalents à ceux des trains des années 1950 ou 1990. Le trafic fret des eaux minérales pourrait y passer à son tour, chargeant un peu plus les routes de poids-lourds. (Doc. Wikipedia)

 Evoquant le plan de sauvetage des lignes TER, le cadre de SNCF Réseau avait fait clairement appel aux collectivités locales. Oui, avait-il dit dans un français bureaucratique, « il y a des financements recherchés auprès des collectivités ; sur les lignes voyageurs, ça a notamment été le plan de sauvetage de la Région mis en place depuis 2015. Sur les lignes capillaires de fret, c'est le même raisonnement. »

 Pour faire bonne mesure, SNCF Réseau disait pouvoir faire un premier pas : « Nous ne sommes pas là pour fermer une ligne mais pour trouver des solutions. Même s'il y a urgence, nous allons faire des efforts. Nous allons essayer d'obtenir des dérogations en ce qui concerne les travaux qui ont un coût de 900.000 euros. Et si on trouve le financement de 400.000 euros, SNCF Réseau s'engage à assurer pour 1,2 million d'euros de maintenance l'an prochain ». Conclusion : « Cela repousserait l'échéance à 2021. »

 Pour la suite, à votre bon cœur.

Le tourisme est totalement passé à la route, alors que dans les années 1950 l’antenne voyait circuler jusqu’à 19 allers-retours par jour

 Pendant ce temps, le tourisme est totalement passé à la route avec des temps de parcours Le Mont-Dore-Clermont-Ferrand (78km) stables depuis 70 ans : 1h38mn à la descente en 1956, 1h35mn 1992 par train, 1h23mn par route en 2020. On peut aisément imaginer que sur une voie refaite à neuf un train moderne aujourd'hui serait au moins aussi performant que l'autocar.

A l’horaire 1992, la desserte était déjà mixée rail et route avec 5 trains par jour en semaine, plusieurs amorcés à Clermont-Ferrand et une série de circulations par autocars. Plus loin dans le temps, à l’horaire 1956, l’antenne voyait passer 10 allers-retours en saison basse, dont un Paris-Le Mont-Dore assuré à l’année, et jusqu’à 19 en saison estivale avec une batterie de trains thermaux saisonniers.

 Tout cela sans compter, en aval de Laqueuille, les trains de l’axe Brive-Ussel-Volvic-Clermont, parmi lesquels un Bordeaux-Lyon, et de son autre antenne (Montluçon)-Lapeyrouse-Volvic, fermés au cours des dernières décennies. Cela donnait à l’ensemble de ce réseau aujourd’hui disparu une activité ferroviaire soutenue à double vocation régionale et nationale. Tragique illustration de la relégation ferroviaire du Massif Central et de la tiers-mondisation de pans entiers des lignes régionales en France.

 

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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