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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
21 juillet 2020

Boën-Thiers : les habitants privés de train pourraient voir passer des touristes pédalant en vélo-rail mais venus... en voiture

 L’épidémie de vélo-rail et voies vertes en lieu et place des trains pourrait atteindre les monts du Forez, entre Boën et Thiers. Alors que la ligne reliant les deux métropoles de Saint-Etienne et Clermont-Ferrand reste neutralisée sur 48,25 km dans sa partie montagneuse depuis juin 2016, avec substitution routière complexe, squelettique et dissuasive, le quotidien régional La Montagne nous apprend que le maire de Celles-sur-Durolle  envisage de créer un service de vélo-rail sur une section abandonnée.

 Ce maire s’appelle Olivier Chambon et préside aux destinées de cette petite commune de Celles-sur-Durolle située à un peu moins de 14 km à l’ouest du sommet de la ligne atteint à Noirétable (722 m d’altitude). Selon lui, la bataille pour une réouverture au trafic ferroviaire se heurte au mur financier de SNCF Réseau : « Quand on nous a donné les sommes astronomiques que ça représentait pour la rouvrir, ça m’a démoralisé ». C’était probablement le but recherché (1).

Une ligne de 145 km sacrifiée alors qu'elle dessert un total de 860.500 habitants

 La puissance publique française, claquemurée dans sa forteresse parisienne, ne conçoit aucun intérêt à rétablir une liaison ferroviaire capacitaire et rapide de 145 km entre deux agglomérations de 290.000 (Clermont-Ferrand) et 405.000 habitants (Saint-Etienne) appartenant à la même région, liaison capable de desservir en même temps des intercommunalités intermédiaires totalisant 165.500 habitants. Soit 860.500 habitants au total.

DSCN2626Vestige d'une halle marchandises à Sail-sous-Couzan, où le bâtiment voyageurs a été démoli. La ligne conserve un potentiel de fret diffus à Boën, Noirétable, Thiers. A Sail-sous-Couzan, l'exploitation des eaux minérales qui fournissait un trafic considérable jusqu'au début des années 1980 pourrait être réactivée. ©RDS

 Cette « province » est priée de se rabattre sur l’autocar SNCF, éclaté entre services directs sans desserte intermédiaire, pas plus rapides que les trains d’autrefois qui, eux, desservaient les principales communes entre les deux extrémités, et services omnibus à la trame horaire pitoyable. Notons que les deux sections est (Boën-Saint-Etienne) et ouest (Thiers-Clermont-Ferrand) de la ligne restent ouvertes au service ferroviaire mais que leur bilan comptable est évidemment privé des recettes issues des voyageurs circulant de bout en bout.

Le vélo-rail, cache sexe d’un pays qui a liquidé 60 % du linéaire de son réseau originel

 C’est alors qu’a germé l’idée du vélo-rail, cache-sexe d’un pays qui a liquidé 60 % du linéaire de ses réseaux originels. Le maire de Celles-sur-Durolle explique à La Montagne : « J’ai dit, il faudrait peut-être quand même que cette voie qui est le fil rouge de notre territoire, qu’on en fasse quelque chose. Et beaucoup de gens de ma commune me sollicitent pour l’avenir de cette ligne. Et j’avais trouvé un contact qui a beaucoup de vélos rail, dont des électriques, ce qui permet à tout le monde d’en faire. »

 Olivier Chambon poursuit : « Est-ce qu’un jour on est en capacité d’avoir, et non pas de croire, qu’un train peut repasser ici ? Avec les données que j’ai, je tends à croire que c’est impossible. Mais il y a des incertitudes. » Il ajoute : « Je ne suis pas hostile à revoir passer un train, au contraire, je vais tous les jours à Clermont-Ferrand. On nous parle de développement durable, d’aménagement durable, de mobilité… On a tous les ingrédients pour réfléchir à la réouverture. Par contre, je suis d’accord pour parler de service public, mais il faut qu’un minimum de gens en bénéficient. Donc d’ici la fin de l’année, il faudra qu’on sache. »

DSCN2731Noirétable, 722 m d'altitude : la gare a été abandonnée et les trains supprimés quelques trimestres après sa rénovation financée par des fonds régionaux et européens. Si le vélo-rail évoqué pour une section en aval constituerait une attraction touristique, le train serait un vecteur autrement plus puissant pour servir le tourisme des monts du Forez tout en permettant aux habitants de se déplacer aisément vers les nombreuses autres localités desservies, Clermont et Saint-Etienne compris. ©RDS

 L’argument touristique est ressorti : « On est là dans le cœur du tourisme du Livradois-Forez. Ça peut faire partie d’un package d’une journée pour retenir les gens ». Tandis que les habitants de ces cantons continueront d’être transportés dans des autocars aux multiples tarifications (cars TER SNCF, cars ex-départementaux) et aux missions aléatoires, ils pourront regarder les « métropolitains » avides d’air pur mais venus en voiture passer en pédalant sur leur voie privée de trains.

SNCF Réseau a fermé la ligne au 1er juin 2016 pour risque de « dilatation » de rails qu’elle n’entretenait plus

  SNCF Réseau avait annoncé à la fin du printemps 2016, sans étude d’impact, la suspension sine die de la circulation ferroviaire entre Thiers et Montbrison, portion depuis longtemps laissée en déshérence. « Les dernières tournées d’inspection des ouvrages et de la voie, réalisées par SNCF Réseau, confirment le diagnostic du mauvais état de l’infrastructure entre Thiers et Montbrison », avait fait savoir le gestionnaire d’infrastructures, pointant le risque que présentait « la dilatation » des rails sous l’effet de la chaleur. Le 1er juin 2016, le couperet tombait alors que la région ne bronchait pas.

  En 2018, la section Montbrison-Boën (18 km) fut rouverte au service voyageurs moyennant un financement assuré en partie par la communauté de communes Loire-Forez, signe de la forte demande locale puisqu’elle n’a théoriquement aucune compétence en matière d’infrastructures ferroviaires.

 Dans les dernières années précédant cette interruption, seulement un tiers des circulations sur cette portion de ligne s’effectuait via le rail, le reste étant déjà basculé sur route. La SNCF déplorait que seulement une dizaine de passagers empruntassent quotidiennement le train entre Boën et Thiers. Au regard de la dégradation de l’offre, éclatée entre route et rail et aux fréquences squelettiques, on pouvait au contraire considérer que la présence de cette « dizaine » de voyageurs (certains jours beaucoup plus selon nos témoignages) relevait au contraire de l’exploit.

Le maire de Boën Pierre-Jean Rochette s’indignait : « Ils ont eu la peau de la ligne (…) pourtant située au coeur de la nouvelle région »

 Pierre-Jean Rochette, maire de Boën (et pourtant… autocariste) avait laissé éclater sa colère : « On est écœurés, en colère, mais pas surpris. La ligne a été laissée de côté depuis de trop nombreuses années. Ils ont eu la peau de la ligne qui est pourtant symbolique, car située au cœur de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Nos territoires n’intéressent plus la SNCF qui n’est plus un service public. »

DSCN2619Gare de Boën, terminus. Seule la voie à gauche a été rénovée pour permettre de rétablir des trains vers Saint-Etienne, mixés avec des autocars au temps de parcours nettement plus long. Impossible de poursuivre sur rails vers le noeud ferroviaire de Clermont-Ferrand et vers les gares intermédiaires : la solution routière est désormais obligatoire, lente et compliquée. Impossible aussi de prendre le train un samedi ou un dimanche vers la préfecture de la Loire, le flux étant basculé sur route les fins de semaine. ©RDS

 SNCF Réseau estimait alors qu’il aurait fallu quelque 53 millions d’euros pour remettre en état la partie centrale de cette ligne qui traverse des paysages magnifique au cœur des monts du Forez. La section Boën-Thiers cumule 16 tunnels sur 48,25 km. On relèvera que ces 53 millions d’euros, jugés pharaoniques, représentent environ la quart du coût cumulé de la célèbre gare TGV ex-urbanisée et controversée de Montpellier-Sud-de-France et du raccordement tramway qu’il est envisagé de construire pour compenser partiellement son éloignement, soit quelque 200 millions d’euros. Entre TGV radiaux et TER transversaux, l’argent n’a pas la même valeur aux yeux des « aménageurs ».

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(1) Lire aussi notre récente étude :

Saint-Etienne-Clermont-Ferrand : le transfert sur route le plus inique de ce début du XXIe siècle - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Le transfert sur route de la liaison ferroviaire la plus courte entre les deux métropoles de Saint-Etienne et Clermont-Ferrand est sans doute la décision la plus inique de la hiérarchie ferroviaire française en ce début d'un XXIe siècle qui pourtant en a vu d'autres.

http://raildusud.canalblog.com

 

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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