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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
15 juillet 2020

Le Lyon-Turin fortement soutenu par le ministre des Transports, l’UE et la Région, face à Doucet, maire « écologiste » de Lyon

 N’en déplaise ou nouveau maire « écologiste » de Lyon Grégory Doucet, la Transalpine ou ligne nouvelle mixte Lyon-Turin, dont le chantier avance, vient de recevoir un nouveau coup d’accélérateur avec la déclaration du ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari. Elle s’ajoute à celles de la commissaire aux Transports de l’UE ou à celles du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

 Dimanche 5 juillet, M. Djebbari a déclaré à La Stampa, le grand quotidien piémontais : « Le Lyon-Turin est fondamental pour la transition écologique. Le trafic routier a des répercussions néfastes dans les vallées alpines qui sont très sensibles à la pollution atmosphérique (…) La ligne historique, ouverte en 1871, ne répond pas aux objectifs d’une ligne efficace. » Le projet Lyon-Turin, qui se déploie sur quelque 200 km, est fermement soutenu par la Fnaut (associations d’usagers) depuis des décennies.

Grégory Doucet, nouveau maire de Lyon issu de l’écologisme de gauche, dénonce « un choix erroné »

 Cette déclaration survient une semaine après celle du nouveau maire de Lyon Grégory Doucet, issu d'un écologisme de gauche parmi les plus radicaux, qui avait donné un avis diamétralement opposé dans un entretien avec le même quotidien turinois. « Il ne faut pas insister sur un choix erroné, c’est le pire choix », avait-il dit à propos du projet Lyon-Turin. Il poursuivait : « Il faut arrêter la LGV. La France a trop peu investi d'argent dans le transport ferroviaire au niveau national. Et maintenant elle veut faire croire que nous relancerons l'activité avec le projet LGV, mais c'est absurde. Si on la valorise, la ligne existante entre Lyon et Turin est suffisante. Donc investissons d'abord là et dans le reste de la France ».

Carte du début des années 2000 résumant les projets de franchissements ferroviaires de l'arc alpin. A ce jour, la Suisse a déjà mis en service deux tunnels de base: Lötschberg et Saint-Gothard, et s'apprête à mettre en service celui du Ceneri, dans prolongement du Saint-Gothard. (Doc. Transalpine)

 Outre le fait que Monsieur Doucet en tant que maire de Lyon, ou ses coreligionnaires Bruno Bernard président de la Métropole de Lyon ou Éric Piolle maire de Grenoble,  eux aussi issus d’EELV, n’ont aucune compétence sur le sujet de cette liaison, il commettait une première erreur en évoquant une « LGV » ou ligne à grande vitesse. De fait, l’essentiel du projet Lyon-Turin est destiné à un trafic mixte fret et voyageurs à vitesse éventuellement élevée, le fret étant le premier concerné.

 La seconde erreur est de considérer qu’il s’agit d’un projet exclusivement international. Les lignes d’accès côté français constitueront un moteur puissant en faveur de l’usage du rail intra-régional en désengorgeant des lignes sous-capacitaires. La liaison Saint-André-le-Gaz-Chambéry est ainsi restée à voie unique avec un profil en plan proche de celui d’un chemin de fer d’intérêt local.

Entre Saint-Michel de Maurienne et Modane, des déclivités situées entre 29 et 30 

 L’autre argument livré par l’écologisme a été porté par Jean-Charles Kohlhaas, élu au Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes. Dénonçant un projet « qui verra le jour dans 10, 15 ou 20 ans » - ce qui en soi est un argument qui ne peut que se retourner contre son auteur -, il a affirmé que « le tunnel actuel (tunnel de faîte Modane-Bardonecchia, NDLR) « n’est pas saturé ».

 Et pour cause : ce tunnel est d’un accès ferroviaire parmi les plus difficiles d’Europe en raison des déclivités qui l’encadrent et imposent des double-tractions pour le fret.

 Entre Saint-Michel de Maurienne et Modane, soit une quinzaine de kilomètres, la ligne affiche des déclivités de 29 à 30 ‰, un véritable défi pour les convois lourds qui doivent se hisser à 1.123 m, altitude du tunnel de faîte du Fréjus. La ligne est par ailleurs soumise à des aléas climatiques et géologiques qui l’interrompent régulièrement. Enfin, si les conditions de concurrence entre route et rail ne sont pas en faveur du second, rien n’empêche de les modifier pour augmenter ses flux.

 L’argument de M. Kohlhaas est donc singulièrement spécieux d’autant que la question est moins celle du trafic dans le tunnel que celle de la saturation du trafic de la ligne Chambéry-Modane.

Des restrictions de circulation dans le tunnel ferroviaire du Fréjus sous le Mont-Cenis

 A ce sujet, le ministre délégué Jean-Baptiste Djebbari argumente : « Ouverte en 1871, (la ligne actuelle) ne permet pas de répondre à l‘objectif d’une liaison performante. Plusieurs restrictions de circulation ont été prises dans le tunnel, afin d‘assurer la sécurité des trajets, et un audit de sécurité est en cours ». Le tunnel ferroviaire du Fréjus sous le Mont-Cenis, ouvert en 1871 et récemment mis au gabarit GB1 de l’autoroute ferroviaire, affiche une très grande longueur de 13.688 m. Le croisement entre circulations chargées de produits dangereux y est désormais sévèrement encadré.

 « La nouvelle liaison est ainsi un projet stratégique qui aura des bénéfices environnementaux certains dans les vallées alpines, et sécurisera les flux de transports entre la France et l‘Italie, en basculant les trafics, qui reposent quasi exclusivement sur les passages routiers, vers le mode ferroviaire, avec une offre compétitive et performante », estime Jean-Baptiste Djebbari, qui reconnaît néanmoins que « ce report modal devra être accentué par des mesures à rechercher ».

Franck Tuffereau de l’AFRA, souligne la saturation de la ligne en aval de Modane, surtout en saison de ski

 Du côté des professionnels du fret, Franck Tuffereau, directeur général de l’AFRA (Association française du rail, tractionnaires fret hors SNCF), a insisté sur la saturation de la ligne actuelle devant la Commission du Développement durable de l’Assemblée nationale française : « La ligne (classique) a un profil assez délicat qui limite les valeurs de charge. Vous ajoutez un trafic voyageurs pendant la saison de ski qui sature les lignes, plus des pousses obligatoires qui nécessitent une logistique, une technique pour pouvoir faire passer ces flux (de fret) : je dis que sur le Lyon-Turin, on a vingt ans de retard ».

Transalpine

Les tunnels de la Transalpine seront bitube, avec rameaux de liaison, comme dans le tunnel sous la Manche. Ils ménageront le gabarit maximal des autoroutes ferroviaires, permettant le transport de camions sur les trains.

 L’Union européenne, à laquelle pourtant l’écologisme politique de Gregory Doucet semble tant tenir, dément elle aussi frontalement la position des nouveaux édiles lyonnais.  La commissaire européenne aux Transports, la roumaine Adina Valean, a tenu à écrire une lettre ouverte au président du Comité pour la transalpine, Jacques Gounon (par ailleurs PDG de Getlink – Eurotunnel), l’assurant de son entier soutien. « Le Lyon-Turin est une initiative phare qui s’inscrit parfaitement dans le cadre du Green Deal », écrit-elle, confirmant que l’UE souhaite voir « ce projet réalisé aussi rapidement que possible, y compris en ce qui concerne les voies d’accès » au tunnel transfrontalier, situées principalement du côté français.

 Le 11 mai dernier, Mme Valean déclarait : « La ligne Lyon-Turin est un projet indispensable à notre réseau et nous la considérons comme une des valeurs ajoutées des corridors européens, qui ne peut manquer car, comme certains le demandent, nous avons l’exigence de nous déplacer le plus possible en train. Nous devons donc réaliser ces interconnexions ».

 Le gouvernement italien, encouragé par l’affaiblissement du M5S qui y était opposé, a situé le Lyon-Turin parmi les chantiers prioritaires de son plan de relance consécutif à la crise sanitaire. Avec le programme « ItaliaVeloce », dévoilé la semaine dernière, l’Italie projette d’investir 200 miliards d’euros dans ses infrastructures de transport.

Laurent Wauquiez ironise sur l’opposition des « écologistes » alors que le Lyon-Turin « enlèverait des milliers de camions de nos vallées

 En France, le président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a ironisé sur l’opposition du maire de Lyon et de son écologisme anti-ferroviaire :  « C’est tout de même compliqué d’être contre ce projet qui enlèverait des milliers de camions de nos vallées, c’est compliqué d’être contre un projet soutenu par 90 % des habitants de notre région. Nous avons un élu qui défend le développement durable mais s’oppose à ce chantier emblématique. C’est une erreur et une impasse. Cela aboutit à une écologie dogmatique et idéologique, qui finit par perdre les repères de bon sens et s’opposer au but qu’elle s’était elle-même fixée. C’est l’opposition entre l’écologie idéologique et l’écologie du bon sens. »

Pour la Transalpine, la cause est claire : « Mettre chaque année des centaines de milliers de camions sur les trains : ce qu’ont réussi les suisses, nous voulons le faire dans les Alpes franco-italiennes avec le Lyon-Turin. En 20 ans, nos voisins ont construit trois tunnels de base exactement sur le même principe ».

Le Lyon-Turin, ou Transalpine, est un ensemble cohérent de lignes nouvelles et de tunnels

 A ce jour, le projet prévoit une ligne nouvelle d’accès partant de l’est lyonnais (avec embranchement sur le futur contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnais CFAL) pour contourner Bourgoin et Saint-André-le-Gaz par le nord. A ce niveau se situe un embranchement nord-est vers Chambéry par un nouveau tunnel sous le massif de l’Epine. La ligne directe, elle, poursuit droit vers l’est par un long tunnel sous le nord de la Chartreuse débouchant sur le nord du Grésivaudan, dans la zone de Pontcharra.

 Une fois la vallée glaciaire du Grésivaudan franchie, la ligne passe sous le nord du massif de Belledonne par un long tunnel  débouchant au nord-ouest de Saint-Jean de Maurienne avant un nouveau souterrain sous le massif du Glandon qui débouche sur Saint-Jean de Maurienne sur la rive gauche de l’Arc. La ligne franchira la vallée pour s’engager dans le tunnel de base de 57,5 km débouchant lui-même à l’est de Suze, dans le Val Suza. Ce dernier ne sera guère impacté puisque la ligne poursuivra jusqu’à Orbassano, dotée d’un important chantier rail-route, puis Settimo Torinese au nord-est de Turin, par trois longs tunnels de flancs.

 L’objectif de la liaison nouvelle est d’acheminer 40 millions de tonnes de marchandises par an (soit 2 millions de camions) et quelque 5 millions de voyageurs en 2028 en deux heures de Lyon à Turin dont une heure pour le seule tunnel de base dont la vitesse de parcours sera uniformisée.

 Le prix du tunnel de base sous le Mont-Cenis a été évalué à 8,6 milliards d’euros (2012) dont 2,2 milliards d’euros pour la France. L’UE s’engage sur 40 % de la valeur du devis pour la partie internationale. Rappelons à titre de comparaison que la métro du Grand Paris express en construction est évalué à 38 milliards d'euros.

 A l’origine, le projet combinait un faisceau de lignes nouvelles à grande vitesse permettant de connecter la LGV Paris-Méditerranée à Chambéry et Grenoble via le Bas-Dauphiné  et un itinéraire fret de base à grande capacité. A ce jour, l’ensemble du futur faisceau affiche quelque 200 km de lignes nouvelles mixtes.

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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