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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
17 mai 2020

Fret SNCF, Fer de France, Groupement du transport combiné : trois voix de poids veulent prioriser le fret ferroviaire

 La crise du coronavirus aura constitué un révélateur pour le monde du transport de fret. La puissance et la productivité du mode ferroviaire permet de transporter des masses considérables par l’emploi d’une poignée de professionnels, conducteurs, régulateurs et à un coût énergétique réduit…   Une série de responsables du fret ferroviaires passent à l’offensive : Frédéric Delorme pour Fret SNCF, François Meyer pour l’association Fer de France, Dominique Denormandie pour le Groupement national du transport combiné. Chacun prône à sa façon un basculement du partage modal en faveur du train en France. Dans ce pays la route domine le rail, réduit à 9% du marché alors qu’il atteignait 70% voici cinquante ans.

 Frédéric Delorme, président de Fret SNCF et PDG de TFMM (Transport ferroviaire multimodal de marchandises, qui regroupe les filiales de la SNCF dans le fret) a publié le 24 avril une tribune en forme de mise en demeure dans Les Echos. Face au choc sanitaire que connaît la France, on trouve « en deuxième ligne l’ensemble de la chaîne du fret ferroviaire et ses cheminots, de la SNCF, de tous les opérateurs et du réseau mobilisés pour assurer la continuité́ de l’économie et l’acheminement des produits, si précieux aux services médicaux, aux collectivités, aux Français », écrit-il. « A l’heure de la mobilisation nationale, la France a pu mesurer l’importance et l’efficacité́ de la filière du transport ferroviaire de fret », poursuit Frédéric Delorme.

Frédéric Delorme veut doubler la part du fret ferroviaire en associant régions, entreprises, citoyens

 Le président de Fret SNCF demande une refondation de la filière du transport ferroviaire de fret « de manière collective », citant « Etat, régions, SNCF Réseau, entreprises ferroviaires, industriels, citoyens » avec pour objectif une « neutralité carbone » en 2050. Cette refondation, qui prendrait ainsi la forme d’une heureuse décentralisation, doit permettre de sortir de la concurrence modale pratiquée jusqu’ici, « en favorisant encore plus la complémentarité des modes de transport ». Frédéric Delorme estime que la neutralité carbone « nécessite un doublement de la part du fret ferroviaire d’ici à dix ans », soit une hausse permettant d’approcher 20% de part modale, soit peu ou prou le niveau actuel en Allemagne.

DSCN0396Train de conteneurs de Fret SNCF sur l'axe languedocien. La consommation d'énergie est divisée par six pour un chargement transporté par rail par rapport à son acheminement par la route sur le même parcours. ©RDS

 Il s’agit donc d’opérer  « un transfert massif vers le rail, seul mode de transport capable d’offrir un rendement économique et écologique croissant et rapide dans les prochaines années ». Frédéric Delorme souligne : « Pour une même tonne transportée, le transport ferroviaire de fret consomme six fois moins d’énergie que la route. Pourtant, sa part a été divisée par deux en trente ans... ».

Des effets induits positifs sur le patrimoine ferroviaire et l’industrie du secteur, d’Alstom à Touax

 Ce transfert modal présenterait par ailleurs des effets induits extrêmement positifs, explique encore le responsable ferroviaire. Il cite en particulier, sur le plan territorial, « la réappropriation par les régions de leur patrimoine ferroviaire pour en faire un point d’attractivité économique ». On sait que ledit patrimoine ferroviaire régional aura subit en France une contraction inégalée en Europe, réduisant la densité de lignes par km2, hors Ile-de-France, à l’une des plus faibles du continent.

DSCN0962Discrétion du passage d'un convoi ECR tracté par une locomotive de la maison-mère DBAG, à Castelnau-le-Lez (Hérault). Faible emprise au sol et, ici, aucune émission de combustibles brûlés. Un seul train complet équivaut à plus d'une trentaine de poids-lourds routiers. ©RDS

 Au plan technologique, une relance de l’activité fret permettrait de favoriser l’innovation par développement « des plateformes digitales (…) de l’intelligence artificielle et de la robotique ». Enfin, au plan industriel elle favoriserait une industrie ferroviaire très présente en France, qu’il s’agisse « de construction de locomotives, de modularité des wagons ou des conteneurs ». Les fleurons français seraient aux premières loges. Ils vont d’Alstom (désormais uni avec l’activité ferroviaire de Bombardier) pour les engins de traction, à Touax pour les wagons de fret et les conteneurs, en passant par  les spécialistes des travaux publics, de la voie, de l’équipement électrique, de la signalisation.

 Or en matière de transfert modal se pose en France la question cruciale du réseau, réduit dans certaines régions à un véritable moignon. Pour les axes principaux, Frédéric Delorme demande une désaturation, l’adaptation des installations pour des trains lourds et longs, déjà entamée sur l’axe Méditerranée-Est en passant de 750 m à 800 m de longueur maximale des convois, et une priorisation du fret. Concernant les lignes de desserte fine, M. Delorme n’aborde guère la question alors que le démaillage du réseau prive de nombreux chargeurs du mode ferroviaire. La « réappropriation de leur patrimoine ferroviaire » par les régions qu’il prône impliquerait, outre la possibilité de récupérer les infrastructures sacrifiées par SNCF Réseau, que l’Etat leur consente enfin les ressources appropriées.

Fer de France, « à la disposition du gouvernement », veut une baisse de la TVA sur le transport public

Réunion de tous les acteurs de la filière ferroviaires, Fer de France quant à lui « se met à la disposition du gouvernement pour agir en pleine concertation (…) et relever les enjeux d’un retour à la pleine activité » dans un souci de relance économique, mais aussi « sociétale et environnementale ».

 Pour Fer de France, les pertes enregistrées par les exploitants comme par les autorités organisatrices du transport (régions, intercommunalités…) risquent d’impacter négativement les investissements à venir. François Meyer, son président, demande donc à l’Etat des gestes forts en faveur du transport ferroviaire. Parmi eux, il cite d’abord « la baisse de la TVA dans les transports publics, mesure évoquée lors du dernier projet de loi de finances ». La TVA sur ce secteur a été augmentée voici quelques années à 10% en France. L’Allemagne en revanche a récemment baissé son taux. Cette revendication est portée aussi par les associations d’usagers de la Fnaut.

DSCN1026Train de grumes de retour à vide depuis l'usine de la Cellulose du Rhône à Tarascon vers Langeac, au croisement de l'Intercités Clermont-Ferrand-Nîmes à Villefort (Lozère) en juillet 2016. La traction de l'unique train de fret de cette section était alors assurée par ECR, avant d'être reprise par VFLI, filiale de la SNCF. On notera l'état de décrépitude de la voie. La ligne des Cévennes a été menacée d'interruption entre Langogne et Saint-Gerges d'Aurac pour manque d'entretien. L'état déplorable de nombreuses lignes régionales en France, quand ce n'est pas leur abandon pur et simple, constitue l'un des handicaps pour la relance du fret ferroviaire. ©RDS

 François Meyer, qui a pris la tête de Fer de France fin 2017 après avoir occupé le poste de directeur territorial SNCF Réseau pour les Hauts de France, prône par ailleurs « un soutien au réseau ferroviaire pour accélérer sa modernisation et favoriser l’usage du rail au moment de l’ouverture à la concurrence ». Il cite ainsi « le financement de l’ERTMS » mais aussi, mettant le doigt sur l’une des grandes faiblesses du réseau français déjà évoquée, « l’accélération des mesures de régénération y compris sur les lignes fines de desserte du fret de marchandises ». On pourrait y ajouter les embranchements particuliers, régulièrement sacrifiés.

Dominique Denormandie rappelle qu'un conteneur sur train émet 9 fois moins de carbone que sur route

 La technique du transport multimodal – caisses mobiles ou conteneurs, remorques routières ou ensembles routiers embarqués sur wagons spéciaux – est par nature  bien adaptée à l’accroissement de la part modale des modes non-routiers, qu’il s’agisse du chemin de fer ou de la voie d’eau. Elle permet de concentrer les flux sur de grands axes, tandis que la route assure la desserte finale auprès de clients dispersés ayant recours au rail.

Pour Dominique Denormandie, président du GNTC (Groupement national du transport combiné) et président de l’entreprise de transports Labouriaux, basée en Saône-et-Loire et spécialiste depuis 1975 du multimodal pour le vrac solide, la crise du coronavirus doit changer l’écosystème des transports.

Le président du GNTC écrit : « L’alignement des planètes en faveur du combiné n’a jamais été aussi présent. (…) Il faut considérer cette crise actuelle comme un marqueur pour nous faire prendre conscience d’une crise climatique à venir dont les conséquences pourraient être encore bien plus graves pour l’humanité ». Dans le même sens que Frédéric Delorme, il souligne que le parcours ferroviaire d’un conteneur émet 9 fois moins de carbone que le même parcours routier.

 Jean-Claude Brunier, PDG du groupe Open Modal (TAB, T3M) membre du GNTC relève dans Stratégie Logistique : « SNCF Réseau a mis en place un dispositif réactif de soutien aux acteurs du fret pour le traitement des circulations de telle façon que les entreprises opérant sur le réseau puissent répondre aux demandes dans les meilleures conditions et meilleurs délais ».

Le GNTC a vu « arriver de nouveaux chargeurs » et demande franchises de sillons, aide au coup de pince, nouveau terminaux

 Les atouts du combiné, utilisant le ferroviaire (ou le fluvial) pour les parcours longs et massifiés, sont nombreux : massification sur les axes principaux, souplesse en parcours terminal, productivité, respect de l’environnement, relocalisation de l’emploi…  Or le confinement a déjà amorcé un changement de paradigme, relève Dominique Denormandie : « Cette crise a aussi permis de faire le constat de l’arrivée de nouveaux chargeurs et transporteurs sur le mode combiné. C’est une tendance positive qui va encore s’accroître ».

 Pour consolider et amplifier cette tendance, le GNTC demande que plusieurs conditions soient réunies. A la clé de tout, une amélioration de la qualité des sillons ferroviaires. Le GNTC demande aussi dans un premier temps des franchises temporaires sur les péages ainsi qu’un renforcement des aides au coup de pince pour le tansbordement. Il prône la programmation de nouveaux terminaux rail-route dans l’Hexagone. « Si l'on veut doubler à terme la part du fret, il faut quadrupler la part du transport combiné en dix ans » souligne pour sa part le groupement.

 Si Dominique Denormandie n’aborde pas directement la question explosive de la stabilité sociale à la SNCF, il demande un vaste plan de modernisation du réseau axé sur le fret, qui aille au-delà des seules déclarations d’intention. Pour lui, c’est toute la filière professionnelle qui doit être mobilisée, depuis les transporteurs routiers jusqu’à SNCF Réseau en passant par les chargeurs et, bien sûr, les pouvoirs publics. On aimerait ajouter : et les acteurs du dialogue social à la SNCF. Car il s'agit d'un élément clé de la stabilité de l’offre ferroviaire et donc de sa crédibilité.

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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