Dans le sud du Massif central, la ligne des Causses Béziers-Neussargues aura été, avec celle des Cévennes (Nîmes-Clermont-Ferrand), parmi les plus impactées par la réduction d’offre de la SNCF lors du confinement imposé face au coronavirus. Cette ligne régionale a été privée de tous services, y compris de la plupart des circulations techniques destinées à maintenir les circuits de voie et vérifier l’état de l’infrastructure. Elle reste menacée de liquidation par un gestionnaire d’infrastructure moins que jamais troublé par la relégation territoriale causée par les démaillages du réseau. En Occitanie, c’est le conseil régional qui se pose comme défenseur ultime de la survie de ces axes autrefois considérés comme structurants mais qui, aujourd’hui vu de Paris, sont considérés comme encombrants, en particulier Béziers-Neussargues.
Jean-Luc Gibelin, vice-président du conseil régional d’Occitanie en charge des infrastructures et des mobilités, a tenu une téléconférence avec les associations d’usagers le 21 avril 2020 afin d’échanger et de partager des informations, dans un louable souci de transparence. L’élu les a informées qu’un point hebdomadaire était réalisé entre le conseil régional et les directions régionales et nationales des deux principales entités de la SNCF. Le collectif associatif « Oser le rail » a publié un compte-rendu expliquant en particulier que M. Gibelin a confié « une amélioration des relations avec SNCF Mobilités (SNCF Voyageurs depuis le 1er janvier, NDLR) alors que cela est toujours aussi compliqué avec SNCF Réseau ».
En Occitanie, aucune circulation technique pour maintenir les petites lignes pendant le confinement
« Notre région est l’une des plus touchées au niveau des lignes fermées par suite des restrictions Covid-19 », insiste le collectif d’associations, soulignant que dans d’autres régions « le choix de maintenir des circulations techniques pour garder les lignes en fonctionnement » avait été fait, « contrastant avec les choix locaux ».
Puissalicon, à une quizaine de kilomètres au nord de Béziers, sur la première section de la ligne Béziers-Neussargues à être rouverte au trafic, le 11 mai. Fin avril, un train de ballast rectifie une géométrie mise à mal par plus d'un mois de sommeil, une série de pluies et un début d'envahissement par les herbes. (Doc. Frédéric Denis)
Jean-Luc Gibelin a annoncé que la réouverture de la ligne Béziers-Neussargues au trafic TER s’effectuerait en deux étapes : le 11 mai entre Béziers et Bédarieux (43 km) et le 18 mai pour la section Bédarieux-Saint-Chély-d’Apcher (178,5 km). Notons que la section Saint-Chély-d’Apcher-Neussargues (55 km) n’est parcourue que par une seule circulation Clermont-Ferrand-Béziers (15940/41) au statut Intercités, encore nommée l’Aubrac. Signe encourageant, le 27 avril 2020 un convoi SNCF Infra composé de 6 ballastières encadrées de deux diesels BB66000 a été vu en action sur la commune de Puissalicon (Hérault), sur la section sud. Il n'y avait plus aucune circulation depuis le début du confinement et les rails rouillés commençaient à s'enherber.
Reste que, prochainement, le trafic se verra suspendu de nouveau pour travaux comme nous le verrons plus bas.
Région et SNCF vont tout faire pour rassurer les usagers et leur éviter la protection illusoire par usage de la voiture individuelle. Rappelons que l’automobile individuelle présente très généralement un milieu microbien et viral extrêmement dense par apport régulier de souches nouvelles (semelles de chaussures, vêtements, aérosols de la respiration des occupants, pollution des circuits de chauffage et d’aération…) et impossibilité de désinfection systématique de cet espace extrêmement confiné. La région et la SNCF prévoient une désinfection quotidienne des rames, l’adjonction de personnels à bord pour permettre un nettoyage complémentaire régulier et une distribution massive de masques.
SNCF Réseau aurait essayé de se débarrasser de la section nord en tentant de la céder à Arcelor Mittal
La section au nord de la ligne Béziers-Neussargues voit normalement passer un train de fret approvisionnant l’usine Arcelor de Saint-Chély-d’Apcher. Durant le confinement, ce site a tourné à 60% de ses capacités, a précisé Jean-Luc Gibelin et les commandes ont continué à être honorées, même vers les clients italiens. Pour autant, en raison de nombreuses avaries de voies la section au nord de Saint-Chély reste fermée en raison de travaux de maintenance, eux-mêmes suspendus en raison du confinement. La réouverture est prévue pour mi-juin, selon le vice-président d’Occitanie. D’ici-là, entre confinement et travaux, la desserte de l’usine Arcelor se fait par mode routier.
Point capital, soulignant la volonté de désinvestissement manifeste du gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau, Jean-Luc Gibelin a informé les associatifs que lors de la négociation pour renouvellement du contrat de transport de coïls entre Arcelor Mittal et Fret SNCF, « SNCF Réseau avait tenté de transférer l’intégralité » de la gestion de la section Saint-Chély-d’Apcher-Neussargues à Arcelor Mittal.
Toujours selon le compte-rendu du collectif d’associations, « il a fallu que le directeur de l’usine, Jean-Luc Gibelin et la vice-président chargées des transports du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes Martine Guibert montent immédiatement au créneau » pour rappeler que la ligne était aussi destinée au transport de voyageurs « et intégrée à la convention des trains d’équilibre du territoire (TET) avec le train Aubrac ».
L’A75, gratuite, est financée par l’Etat tandis que la ligne Béziers-Neussargues a vu son temps de parcours bondir de 30 minutes en trente ans
Saisis en soirée sous la vaste marquise de la gare de Bédarieux fin 2013, un Régiolis en essais sur la ligne des Causses stationne avec un TER assuré en rame Z2 depuis Béziers. Electrifiée au début des années 1930 par la compagnie du Midi, la ligne Béziers-Neussargues, avec de nombreuses sections présentant une déclivité de 33‰, offre un profil audacieux favorable aux tests de performance du matériel électrique. ©RDS
Rappelons pour mémoire que l’autoroute A75 Béziers-Clermont-Ferrand, gratuite, fait partie du réseau non-concédé et a donc été entièrement financée par l’Etat qui assure son entretien, exception faite du viaduc de Millau concédé à Eiffage et à péage. L’A75 fait lourdement concurrence à la ligne des Causses, elle-même sous-entretenue avec des vitesses limites oscillant entre 90 km/h et 50 km/h, exception faite d’une pointe à 105 km/h sur 45 km au nord de Béziers. Ses 277 km sont donc parcourus au mieux en 4 h 52 mn, soit une dégradation de 30 minutes (+11,5%) par rapport au temps de parcours de l’Aubrac à l’horaire 1992-93.
La fréquence réduite à un seul aller-retour direct par jour sur la liaison Intercités, sa limitation à Clermont-Ferrand au nord alors qu'elle fut amorcée à Paris, sont autant d'éléments dissuasifs pour la clientèle, malgré son usage en correspondance ou en parcours intermédiaires sur une série d’origines-destinations : au-delà de Clermont-Ferrand, à Neussargues vers Aurillac, à l’est du Cantal (Saint-Flour), dans le bassin aveyronnais, vers Mende, vers Rodez… Le train de nuit amorcé à Paris (vers Béziers puis limité à Millau) a quant à lui été supprimé en 2003.
La question du renouvellement de la convention de train Aubrac d’équilibre du territoire
L’enjeu de ces prochains mois, poursuit le communiqué associatif, « est le renouvellement » de la convention de train d’équilibre du territoire : « M. Gibelin se veut optimiste, mais il ne faudrait pas que le contexte de crise économique mette en péril les engagements du gouvernement ». Les associations s’inquiètent par ailleurs de la suspension du trafic voyageurs sur la ligne entre le 7 juillet et le 2 octobre 2020 pour remplacement de 7.000 traverses entre Ceilhes-Roqueredondes et Tournemire-Roquefort, sur la section Bédarieux-Millau. L’objectif de ces travaux est d’augmenter la vitesse des circulations, actuellement limitée à 75 km/h sur cette section. Par ailleurs, des confortements d’ouvrages d’arts sont simultanément programmés entre Bédarieux et Sévérac-le-Château, au nord de Millau.
Les associations d’usagers et de cheminots regrettent que durant cette période SNCF Voyageurs « ait fait le choix du tout-autocar ». Elles demandent que le train Aubrac soir assuré par train entre Sévérac-le-Château et Clermont-Ferrand et que les TER reliant Béziers et Bédarieux soient maintenus.
Activité soutenue en gare de Neussargues avec le croisement des Intercités l'Aubrac Clermont-Ferrand-Béziers et Béziers-Clermont-Ferrand, et correspondance par TER vers Aurillac, en ce début d'après-midi. La fréquence de l'Aubrac est réduite à un aller-retour quotidien et a subi une dégradation de plus de 10% du temps de parcours en trente ans sur la section Béziers-Neussargues, longue de 277 km. ©RDS
Pour terminer, Jean-Luc Gibelin a confirmé que les études sur la réouverture de la ligne Sévérac-le-Château-Rodez se poursuivent « et qu’une commission ferroviaire suivie d’un comité de pilotage seraient programmés dans les prochaines semaines ». Cette ligne de 44,7 km permet de relier Millau à Rodez, soit un parcours ferroviaire de 75 km, contre à peine moins par la route (72 km).
https://youtu.be/RtM9tTC_DR4