Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
13 avril 2020

Entre mer et montagnes, Marseille cumule les records de longueur pour ses tunnels ferroviaires du réseau national

 Marseille, véritable ville-Etat cernée de mer et de montagnes, figure depuis 1847 en haut du palmarès des tunnels ferroviaires du réseau national les plus longs de France : pendant plus de 80 ans avec le tunnel de la Nerthe puis, depuis 2001, avec le tunnel dit « de Marseille » de la ligne à grande vitesse Méditerranée. Nous n’incluons pas dans ce classement les tunnels de métros ou du RER francilien, relevant d’une autre logique. La cité phocéenne devrait demeurer dans ce classement de tête avec le percement du souterrain de Bassens à La Parette qui aura en son centre la gare souterraine passante de Marseille-Saint-Charles, dotée de quatre voies à quai et située à 25 mètres de profondeur. Il s’agira de la grande traversée souterraine de Marseille prévue dans la phase 2 des Lignes nouvelles Provence-Côte d’Azur (LNPCA).

 Cette future traversée souterraine de Marseille, dont l’horizon de réalisation reste incertain (avant 2030), devrait mesurer approximativement une dizaine de kilomètres, entre la zone du faisceau fret de Marseille Industrie, Saint-Louis, Bassens et La Delorme, dans le XVe arrondissement, et le quartier de La Parette, à l’est du dépôt de la Blancarde, dans le XIIIe arrondissement. Il sera probablement plus long que le « tunnel de Marseille », section finale de la LGV Méditerranée, qui relie les Pennes-Mirabeau au quartier de Séon-Saint-Henri à Marseille, et mesure 7.834m, actuel record de longueur pour un tunnel ferroviaire entièrement situé en territoire français.

Le tunnel de la Nerthe, plus long tunnel français en territoire national à partir de 1847

 Ce tunnel de la LGV Méditerranée, mise en service en juin 2001, complétait un autre tunnel ferroviaire marseillais longtemps détenteur du record de longueur en territoire français, le tunnel de la Nerthe. Et ce record était ancien, puisque ses travaux s’étaient achevés en 1847. Long de 4.634 mètres, le tunnel de la Nerthe permet à la ligne « impériale » Lyon-Marseille de franchir la chaîne calcaire de l’Estaque, ou de la Nerthe, qui sépare la métropole phocéenne du bassin de l’étang de Berre. Cette chaîne continue vers l’ouest en séparant ledit bassin de la Méditerranée, formant la célèbre « Côte Bleue » au nord de Marseille. La chaîne de l’Estaque ou de la Nerthe, qui s’enracine à l’est sur la chaîne de l’Etoile, culmine à 278m au-dessus du niveau de la mer.

DSCN2934

Croquis de situation du tunnel de la Nerthe, entre bassin de Berre et Marseille. (Doc. d'archives)

 C’est Paulin Talabot, l’ingénieur polytechnicien et banquier limougeaud devenu député du Gard, artisan de la création du PLM, qui choisit le tracé de la difficile entrée du chemin de fer dans Marseille. Divers projets avaient été proposés en 1842, dans le cadre de la future liaison ferroviaire de Marseille à la vallée du Rhône. Talabot créa la compagnie du chemin de fer de Marseille à Avignon l’année suivante, futur élément du PLM. Parmi les projets de franchissement de la chaîne de l’Estaque, certains prônaient un tunnel « de faîte », situé en altitude donc plus court mais imposant des rampes d’accès d’assez forte déclivité.

Un tunnel de base de 4.634 mètres, en parfait alignement, doté de 24 puits d’aération

 Paulin Talabot trancha au contraire pour un tunnel « de base », situé à 50 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer, entre le Pas des Lanciers et le village marseillais de l’Estaque. Ce choix permettait d’un part de limiter les déclivités encadrant l’ouvrage à seulement 2‰ et d’autre part, à l’Estaque, de permettre ultérieurement une jonction pour un accès ferroviaire au port de la Joliette par le nord moyennant une déclivité limitée à 10‰, la ligne maîtresse poursuivant à niveau jusqu’au plateau Saint-Charles où fut construite la gare centrale en impasse. En revanche, cette variante imposait une percée longue de 4.634 mètres, un remarquable défi pour l’époque, établissant ainsi un record de 81 ans parmi les tunnels entièrement situés sur le territoire français.

DSCN2021Plateau de voies en impasse de la gare de Marseille-Saint-Charles. Cette configuration impose un rebroussement pour les circulations voyageurs transversales à longue distance (Paris-Toulon...). Elle est dissuasive pour les relations régionales transversales. ©RDS

 Signe de l’importance stratégique que Talabot accordait à la liaison du premier port français sur la Méditerranée au reste du territoire national, le tunnel de la Nerthe, à double voie, fut même doté d’une section (ouverture perpendiculaire à l’axe des voies) en ellipse présentant une hauteur libre à la clé de 7,40 mètres. Ce choix, motivé à l’époque de la vapeur par un souci de bonne ventilation et de vitesse, allait permettre 110 ans plus tard, lors des travaux d’électrification (1962), d’éviter un abaissement important des voies ou une reprise des voûtes pour dégager le gabarit nécessaire aux caténaires et aux pantographes.

 Notons que ce magnifique ouvrage est flanqué de 24 puits d’aération de 3 mètres de diamètre indispensables pour la traction vapeur d’origine. Leur hauteur varie de 20 mètres à 183 mètres. Si le tunnel de la Nerthe est tracé en alignement sur toute sa longueur, il  connaît une légère rampe de 1,8‰ sur 2.144m depuis Pas-des-Lanciers et une pente de 1‰ sur 2.390m vers l’Estaque, les deux encadrant un palier d’une centaine de mètres en son milieu. Ce profil en élévation permet un écoulement naturel des eaux d’infiltration par un aqueduc le long du radier.

La Nerthe fut dépassé en 1928 par le tunnel du Braus, entre Nice et Breil, puis par ceux du Puymorens et de Sainte-Marie-aux-Mines

 Dans le palmarès des tunnels les plus longs de France entièrement situés sur son territoire, le tunnel de la Nerthe fut dépassé en 1928 par le tunnel du col du Braus, sur la ligne de Nice à Breil-sur-Roya, long de 5.938m. Puis, l’année suivante, par le tunnel du Puymorens, sur la ligne de Portet-Saint-Simon à Puigcerda, long de 5.414m. Lesquels furent dépassés à leur tour, pendant 36 ans, par le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines long de 6.950m, qui permettait à la ligne Sélestat-Lesseux-Frapelle (Nancy)  de franchir la ligne bleue des Vosges.

 Ouvert à la circulation ferroviaire en 1937, le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, prévu à double voie signe de l’importance stratégique qu’on lui accordait, fut converti en tunnel routier en 1976 après fermeture aux voyageurs et au fret en 1973 de la section Lesseux-Frapelle-Sainte-Marie-aux-Mines, en pleine frénésie de démantèlement des réseaux régionaux. Ce forfait fut accompli sur l’initiative de l’ancien député et ministre Maurice Lemaire qui avait été… directeur général de la SNCF de 1946 à 1949.

 Le tunnel de Villejust et ses 4.805m, dans l’Essonne sur la LGV Atlantique, vint encore prendre place en 1989 dans le classement national au-dessus du tunnel de la Nerthe et ses 4.634m. Mais Marseille n’avait pas dit son dernier mot.

En 2001, le tunnel des Pennes-Mirabeau à Marseille de la LGV Méditerranée détrône tous ses concurrents nationaux

Avec ses 7.834 mètres de longueur, le tunnel reliant Les Pennes-Mirabeau à Marseille surclasse depuis 2001 tous les tunnels ferroviaires entièrement situés sur le territoire national. On pourra simplement objecter qu’il est constitué de quatre sous-sections, alternant 1.530m de tunnel depuis le portail nord aux Pennes-Mirabeau, puis 400m de tranché couverte dite de Bellepeire, puis 5.414m de tunnel dit de Marseille et enfin 490m de tranchée couverte dans le quartier de Saint-Henri.

Carte ferroviaire du bassin marseillais pour l'année 2019. En 2001, Marseille s'est enrichie d'une ligne nouvelle pénétrant depuis le nord jusqu'au coeur de l'agglomération, la LGV Méditerranée (en double filet bleu clair) et son long tunnel des Pennes-Mirabeau à Marseille. (Carte SNCF Réseau)

 Ce quadruple ouvrage présente une section de 63m2 ayant nécessité une excavation atteignant 100m2 de section, dont une partie a été réalisée à l’explosif dans une zone urbanisée avec traitement soigné de l’environnement. Sa construction a demandé 36 mois de travaux.  Les voies sont posées sur dalle béton et aucun appareil de voie n’a été posé dans l’ensemble du tunnel, sécurisant les circulations dont la vitesse est limitée à 230km/h à l’entrée nord et 170km/h au sud. La différence d’altitude entre les deux têtes du tunnel est de 153 mètres, soit une déclivité moyenne de 19,5‰, exceptionnelle pour un tunnel ferroviaire.

 La tranchée couverte de Bellepeire comporte un puits avec escalier d’accès qui permet l’aérage et la décompression des ondes provoquées par les circulations, ainsi que d’éventuels secours. Une multitude de mesures de sécurité ont été prises afin de prévenir tout incident ou d’y répondre, comparables à certaines appliquée dans les tunnels ferroviaires sous la Manche. A la différence qu’il s’agit là d’un tunnel à double voie, alors que le lien fixe transmanche est constitué de deux tunnels à voie unique et d’un tunnel de service.

La future traversée ferroviaire souterraine de Marseille est attendue avec impatience

 Les Marseillais attendent avec impatience que la future traversée ferroviaire souterraine de leur ville (870.000 habitants sur les 16 arrondissements, 1.873.000 habitants sur la grande métropole Aix-Marseille-Provence) soit enfin opérationnelle pour désengorger le plateau en impasse de la gare Saint-Charles et permettre, outre une accélération des relations à longue distance et grande vitesse, l’introduction de relations régionales transversales de type Avignon-Toulon, Miramas ou Aix-Aubagne.

Le futur ouvrage ferroviaire, long d’une dizaine de kilomètres selon les hypothèses envisagées, devrait une fois réalisé demeurer longtemps en tête du classement des tunnels de grande longueur du réseau ferré national. Il est grand temps. La rocade L2, qui relie les autoroutes A7 et A50 sur 9,7km, réalisée en deux étapes et inaugurée fin 2018, aura affiché un coût avoisinant 100 millions d’euros le kilomètre.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité