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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
18 mars 2020

Montpellier, Nîmes : grande vitesse disloquée entre gares nouvelles et anciennes, tarifications étanches, absence d'effet réseau

(Dernière heure, 19 mars 2020 : en raison des mesures de restrictions de circulation pour raisons sanitaires, les circulations TGV maintenues desservent toutes Montpellier-Saint-Roch et Nîmes-Centre, à titre officiellement provisoire, depuis ce jour. Les gares de Montpellier-Sud-de-France et Nîmes-Pont-du-Gard sont donc neutralisées jusqu'au retour à la situation normale.)

L’offre à grande vitesse SNCF au départ de Montpellier et Nîmes est exemplaire par sa complexité, cumulant morcellement et étanchéité tarifaire entre « produits », dispersion géographique, dégradation des correspondances. Ouigo et Inoui, gare Saint-Roch en plein centre de Montpellier et gare Sud-de-France pas très éloignée de l’aéroport, absence de toute correspondance TER dans cette dernière, dislocation de l’offre entre Nîmes-Centre et Nîmes-Pont-du-Gard, longue desserte par transport urbain des gares ex-urbanisées et TER aux correspondances aléatoires pour Nîmes : les principes de base de l’attractivité du transport public sont battus en brèche par un exploitant qui semble se noyer dans des concepts marketing concurrents entre eux. Et qui s'est plié aux projets immobiliers d'élus apparemment peu au fait des lois du ferroviaire. Un cas emblématique de gestion du ferroviaire en France.

DSCN2706Montpellier-Sud-de-France. Cette immense halle de béton est éloignée de 6km et une demi-heure de transport urbain du centre-ville et elle est séparée de lui par deux autoroutes, dont l'A9 déplacée et sans sortie intermédiaire, au premier plan, qui longe le bâtiment voyageurs et les voies (à g.) et un important bassin de rétention d'eaux pluviales (à d.). (2020) ©RDS

 Cette incohérence de l’offre à grande vitesse sur le Languedoc est à rapprocher de celle élaborée par la SNCF sur Toulouse-Paris, question que le site Transportrail a traitée récemment (lien en fin d’article). Sur ladite liaison ce sont cinq (bien 5) produits commercialement étanches qui se côtoient. Il s’agit donc bien d’un parti généralisé, auquel l’annonce sur RTL le 5 mars par Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, du maintien d’une stratégie « Robin des Bois », qui consiste à forcer sur les Ouigo à bas coût au détriment des prix des TGV classiques, ne mettra pas un terme.

Fréquence, amplitude, cadencement, souplesse d’emprunt, simplicité, modulation sociale, arguments du transport publics

 Les principaux arguments du transport public face au transport individuel sont : la fréquence et l’amplitude horaire pour répondre à la disponibilité immédiate de l’automobile ; le cadencement pour faciliter la mémorisation des heures de départ ; la souplesse d’emprunt pour répondre aux contraintes de dernière minute ; la simplicité des tarifs pour permettre une anticipation des coûts du voyage ; la modulation des prix pour raison sociale, ce qu’aucune pompe à essence ou autoroute ne permet.

 Pour Nîmes comme pour Montpellier, le bilan de l’offre à grande vitesse est à l’opposé de ces principes.

-          La fréquence est bonne sur l’écran d’ordinateur au départ de Paris mais inintelligible dans la réalité au départ du Languedoc en raison de la dispersion des itinéraires.

-          Le cadencement au départ de ces quatre gares est impossible en raison de la différence des parcours entre la ligne classique Montpellier-Nîmes-raccordement de Manduel et la ligne nouvelle du contournement de Nîmes et Montpellier (CNM), et de la disparité des missions (Ouigo sur Marne-le-Vallée, arrêts intermédiaires ou non…).

-          La souplesse d’emprunt pour répondre aux contraintes de dernière minute est contredite à la fois par les nouvelles pénalités de transfert entre TGV Inoui, l’impossibilité de fait de passer d’un Ouigo à un autre, la complexité pour passer d’un Inoui à un Ouigo et, bien sûr, l’obstacle de devoir éventuellement passer d’une gare à une autre dans la même agglomération pour la même destination.

DSCN2681 Ci-dessus : écrans d'annonce des trains à Montpellier-Sud-de-France. Fréquences faibles, absence totale de correspondances avec les trains régionaux ou Intercités. Ci-dessous : pour se rendre à la gare Saint-Roch et dans les différents quartiers de la ville par transport public, la liaison urbaine est difficile, par autobus puis tramway. L'attente de plusieurs rotations d'autobus est presque toujours nécessaire pour de nombreux voyageurs. Même une fois la ligne de tramway prolongée jusqu'à Sud-de-France, l'emport de la clientèle d'un Ouigo ou d'un TGV, a fortiori si deux circulations de 800 places arrivent ou partent sur une courte période, posera de lourds problèmes à l'exploitant du tramway, la TaM, dont les rames ne dépassent pas 340 places et supportent en outre les nombreux flux intermédiaires. Toute la différence entre une gare desservie par quatre lignes de tramway et une autre par une seule... en terminus de surcroît. (2020) ©RDS

DSCN2702-          La simplicité des tarifs est un vœu pieux puisque, pour Montpellier, on constate des prix Inoui au départ de Saint-Roch pour Paris (2ème classe, mardi 17 mars 2020) s’étageant entre 73 et 117 euros alors qu'au départ de Sud-de-France ils s’étagent entre 19 et 53 euros, façon de tenter forcer la clientèle à se rendre dans la nouvelle gare alors que le temps de parcours depuis Sud-de-France est inférieur d'environ 15mn à celui calculé depuis Saint-Roch.

-          Quant à la modulation sociale, elle est apparemment désormais pratiquée presque exclusivement sur le réseau à grande vitesse par gestion de la pénurie : aux « pauvres » les Ouigo peu fréquents, aux conditions d’accès drastiques, aux conditions de transfert contraignantes, aux conditions de voyage spartiates, ou les Inouï des heures creuses ou amorcés dans les gares ex-urbanisées difficiles d’accès en transport public. Pour autant, bien des cadres profitent des prix Ouigo pour une balade en famille. Par périodes, des milliers de billets sont bradés, mais sans aucun critère de revenu, favorisant les « métropolitains branchés » et les personnes libres de leurs horaires. Les cartes familles, seniors ou week-end ne tiennent que marginalement compte du revenu réel.

La gare de Nîmes-Pont-du-Gard entraîne un allongement important et une complexification du parcours

  Il est important de souligner que l’usage de la gare de Nîmes-Pont-du-Gard entraîne pour la grande majorité des Nîmois, et plus encore des voyageurs en correspondance à Nîmes-Centre, un allongement substantiel de la durée du voyage, en raison de l’emprunt d’un TER en correspondance (non calée) ou des neuf allers-retours quotidiens (en semaine) des bus urbains de la ligne 33 de Tango qui effectuent le trajet entre les deux gares en 30 minutes, en aplomb des TGV. Rappelons que le trajet entre la bifurcation de Manduel en amont de la gare nouvelle, et la gare de Nîmes-Centre est effectué par les TGV empruntant la ligne classique Montpellier-Nîmes en 8 minutes.

DSCN2914Ci-dessus : TER Narbonne-Avignon stationnant à Nîmes-Pont-du-Gard, rame AGC dont l'état contraste avec la propreté des lieux. Le pont au second plan supporte la voie B sud-nord du Contournement de Nîmes et Montpellier, et le quai attenant. La passerelle au tout premier plan sert de liaison entre le grand parc à voitures et le bâtiment voyageurs (à d.). Les battements de correspondance avec les TGV varient entre 15mn et une heure environ. Ci-dessous: vue de l'intérieur du hall voyageurs de Nîmes-Pont-du-Gard depuis le niveau haut, celui des voies du CNM. L'ombrière sous le toit de verre et les piliers, en bois, sont de bon goût. L'ensemble de cette gare ex-urbanisée a coûté 83 millions d'euros. (2020) ©RDSDSCN2922 Pour illustrer la dislocation de l’offre grande vitesse au départ de Montpellier et de ses deux gares voici les horaires au départ vers Paris ou l’Ile-de-France. Saint-Roch Inoui : 5h13, 9h19, 13h19, 15h19, 17h21. Saint-Roch Ouigo : 10h21, 18h19. Sud-de-France Inoui : 6h28, 12h33, 14,29, 19h28. Sud-de-France Ouigo : 8h29, 14h04, 16h33. Soit 14 fréquences dispersées entre deux gares et deux « produits » aux commercialisations étanches, soit quatre offres sans passerelles ni cadencement global et avec une amplitude horaire limitée pour chaque gare et pour chaque type de « produit ». On note un trou maximal de 4h06mn à Saint-Roch et de 6h05mn à Sud-de-France. Le constat peut être reporté à l’identique pour Nîmes. Rappelons que le déport d’une gare à l’autre, via TER ou rares autobus à Nîmes, via autobus et tramway à Montpellier, exige entre au moins 45 mn et plus d’une heure en y incluant les temps d’attente et de sécurité (indispensable quand les billets grande vitesse sont difficilement échangeables).

 L’offre à grande vitesse au départ de Montpellier vers Lyon-Part-Dieu et au-delà est, elle aussi, dispersée façon puzzle entre les deux gares de Montpellier et Nîmes. Au départ de Saint-Roch : 6h28, 11h30, 13h57, 14h53, 17h55. Au départ de Sud-de-France : 9h11, 10h08, 16h41, 17h10, 20h10.  Soit un trou maximal de 5h03mn à Saint-Roch et de 6h33mn à Sud-de-France. Notons que les trois TGV directs Toulouse-Lyon transitent par Montpellier-Sud-de-France et qu’au retour les deux TGV directs Lyon-Toulouse (trois en fin de semaine seulement) transitent, eux, par Montpellier-Saint-Roch.

DSCN2901Montpellier Saint-Roch côté ouest. Vaste plateau de six voies à quai, désert en ce milieu d'après-midi de semaine : la moitié des TGV et Ouigo ont déserté vers Sud-de-France. La gare a été agrandie voici cinq ans pour plus de 50 millions d'euros. Le colossal immeuble à gauche est un parking de 800 places construit récemment. Face à l'entrée principale de la gare, un immeuble mélangeant appartements de luxe et deux hôtels, le Belaroïa, vient d'ouvrir. Deux immeubles de logements de qualité dont un de grande hauteur sont en construction, ainsi que plusieurs autres à proximité immédiate (quartier nouveau Saint-Roch). La gare est située dans l'hypercentre, à trois minutes à pied de la place de la Comédie et à dix minutes de l'Opéra-Palais des congrès Corum. Le tout alimente une clientèle typique de la grande vitesse (2020) ©RDS

On relèvera que l’autre faiblesse de ces doublets de gares est qu'elles ne sont pas dédiées à des destinations spécifiques comme elles le sont à Paris ou Lille (chacune vers un groupe de destinations).

En transport public depuis le centre, 15 à 25 mn pour aller à l’aéroport, 26 minutes pour aller à Sud-de-France

 On notera qu’à Montpellier l’accès à l’aéroport depuis la zone centrale prend moins de temps que l’accès à la gare Sud-de-France depuis la gare Saint-Roch. La ligne 620 de LiO permet de rejoindre l’aéroport de Montpellier-Méditerranée en 15 à 25 minutes toutes les demi-heures à partir de 5h30 vers l’aéroport et jusqu’à 23h15 depuis l’aéroport. Le nombre des vols Montpellier-Paris peut monter jusqu’à 14 par jour (10 Orly, 4 CDG), pour 11 en saison de base. La durée du vol block to block est de 1h20mn (Orly) ou 1h30mn (CDG). Le temps de parcours ferroviaire Sud-de-France-Paris est de 3h08 au mieux, Saint-Roch-Paris de 3h27mn au mieux.

 La liaison centre-ville gare Sud-de-France exige environ 26 minutes selon l’exploitant TaM, moyennant une rupture de charge à Place de France. Elle en exigera à peine moins une fois la ligne 1 prolongée jusqu’à Sud-de-France depuis Odysseum (2023), via une station intermédiaire nouvelle. Au point que durant la campagne des élections municipales, le maire sortant Philippe Saurel a présenté un projet de ligne spécifique Sud-de-France-Saint-Roch par l’itinéraire de la ligne 1 puis de la 3 entre Rives-du-Lez et Saint-Roch qui permettrait d’économiser deux interstations et 4 minutes (mais il faudrait aller jusqu’à Saint-Denis pour opérer le retournement des rames).

DSCN2689DSCN2690

Arrivée d'un Ouigo depuis l'Ile-de-France à Montpellier-Sud-de-France. Le meilleur moyen pour quitter la gare de Sud-de-France reste et restera à l'avenir la voiture individuelle. Avec une nuance : si le voyageur a déposé son véhicule à Sud-de-France pour y prendre son TGV et qu'il choisit un retour arrivant à Saint-Roch, son temps de parcours global se rapprochera étrangement de ceux pratiqués voici trente ans. (2020) ©RDS

 Plus comique, la tête de liste affiliée à l’actuel parti présidentiel propose de créer un téléphérique pour relier les deux gares, enjambant les tours et barres d’immeubles de 12 étages probablement avec pylônes y afférant.

 La gare Saint-Roch est pourtant parfaitement située au cœur du réseau de tramways. La ligne classique Montpellier-Nîmes, débarrassée des trois-quarts du trafic fret passé au CNM, affiche une belle capacité résiduelle malgré création de six TER Sète-Lunel et retour sur la journée. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Paris - Toulouse ou les méfaits du morcellement tarifaire - transportrail - Le webmagazine ferroviaire

Le gruyère n'est pas une spécialité gastronomique toulousaine. En revanche, la relation Paris - Toulouse illustre de façon criante la politique commerciale de la SNCF et sa segmentation par l'horaire entre InOui et Ouigo.

http://transportrail.canalblog.coml

 

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Commentaires
B
J' avais bien remarqué le problème pour aller vers Le Grau du Roi , ou Ales et au delà, mais je pensais que les correspondances TGV/TER pour les circulations Narbonne - Montpellier - Marseille/Avignon étaient correctement établies . Donc, ce n' est pas le cas ?
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V
Bravo pour cet article.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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