La liaison ferroviaire Lyon-Bordeaux par le nord du Massif Central pourrait renaître grâce à une nouvelle société coopérative, Railcoop. En 2012, la SNCF avait supprimé le dernier train quotidien reliant Bordeaux à Lyon, qui circulait via Périgueux, Limoges, Guéret, Montluçon, Gannat, Saint-Germain des Fossés, Roanne et retour. Voici une vingtaine d'années, trois relations Lyon-Bordeaux étaient proposées chaque jour, deux de jour (une par Clermont-Ferrand et Ussel, une par Montluçon) et une de nuit (par Montluçon). Dans les années 1970-1980 et jusqu'en 1992, on a même compté deux AR quotidiens via Montluçon, l'un d'eux ayant été supprimé par mesures d'économies imposées par l'Etat. L'avant projet de Railcoop, ambitieux, devra résoudre de lourds défis pour un parcours qui affiche 639km, soit 3.834km cumulés pour six circulations quotidiennes.
En 2004, l’autre liaison quotidienne Bordeaux-Lyon, prolongée à Grenoble les vendredis, via Périgueux, Ussel et Clermont-Ferrand avait été limitée à Clermont-Ferrand avant de passer à la trappe en 2014 quand la « ligne des Puys » a tout simplement été fermée aux voyageurs entre Ussel et Volvic et à tout trafic entre Ussel et Laqueuille. A ce jour, la SNCF ne propose plus aucun train direct entre Bordeaux et Lyon, ni par le Massif Central, ni pas le long détour via Toulouse, ni par L'Ile-de-France. Ironie de l’histoire, Bordeaux comme Lyon sont deux villes réputées pour leur résistance au centralisme parisien.
Railcoop tente une entrée dans un espace délibérément déserté par le futur ex-monopole d’Etat
L’aller-retour quotidien Lyon-Bordeaux pourrait ressusciter dès 2022, avance Railcoop, qui tente ainsi une entrée sur le marché ferroviaire dans un espace délibérément déserté par le futur ex-monopole d’Etat SNCF : le Massif central et plus généralement les liaisons transversales entre régions, ne passant pas par l’Ile-de-France.
Sont définies dans la Scic Railcoop, les 5 catégories d'associés suivantes Catégorie des Salariés : composée des associés salariés, titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée ou des mandataires sociaux rémunérés au titre de leurs mandats ; Catégorie des Collectivités locales et institutions : composée des associés de droit
https://www.railcoop.fr
Railcoop est une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), première en France de ce type dédiée au chemin de fer. Elle est basée à Cambes dans le Lot. Elle a été créée officiellement le 30 novembre 2019 à Cajarc et a pour but de réunir 3.000 sociétaires d’ici le mois de juin 2020. Elle en avait réuni une centaine courant mars 2020, selon son site internet. Son ambition est d’exploiter des services voyageurs comme des services fret. Elle envisage de lancer des circulations de marchandises dès 2021.
Railcoop a décidé de faire de cette transversale historique Lyon-Bordeaux par l’itinéraire nord sa « ligne test ». L’objectif, une fois le capital des sociétaire réunis, est d’obtenir une licence de circulation et un certificat de sécurité d’ici janvier 2021 et, au cours du premier trimestre 2021, de passer commande des sillons.
Railcoop s’est fixé comme mission de renforcer l’usage du ferroviaire sur tous les territoires pour contribuer à la transition écologique et par une participation de l’ensemble des bénéficiaires de cette mobilité.
Trois allers-retours quotidiens envisagés sur la « ligne-test » Lyon-Bordeaux
Sur cette « ligne-test » Lyon-Bordeaux, Railcoop commanderait trois sillons quotidiens dans chaque sens. Un rétablissement de cette liaison d’intérêt national jadis exploitée par la SNCF sous le statut Intercités de « Trains d’équilibre du territoire » conventionnés par l’Etat, impliquerait un rétablissement du trafic voyageurs entre Gannat et Saint-Germain-des-Fossés, section de 24km qui n’est plus actuellement parcourue que par un reliquat de flux fret.
Gare de Gannat (Allier), importante station de correspondance entre les flux Clermont-Montluçon, Lyon-Bordeaux jusqu'en 2014 et même Paris-Clermont avant 1931. Ci-dessus, un TER Montluçon-Clermont-Ferrand assuré en autorails monocaisses X73500 entre en gare depuis la jonction, en amont, avec la ligne venant de Saint-Germain-des-Fossés, sans trafic voyageurs à ce jour, et l'ancienne ligne déclassée provenant de La Ferté-Hauterive. ©RDS
Une vue du beau souterrain carrelé en faïence de Gien, interrompu avant la montée vers le troisième trottoir, témoin de l'importante activité passée de la gare de Gannat. Le flux Paris-Clermont transita par Gannat via la ligne aujourd'hui abandonnée La Ferté-Hauterive-Gannat jusqu'en 1931, date de l'ouverture de la section Vichy-Riom. ©RDS
L’offre de trois allers-retours quotidiens réhabiliterait remarquablement cette transversale sans exiger trop de capacité, vu la faiblesse du trafic sur la section à voie unique Gannat-Montluçon-Guéret-Saint-Sulpice-Laurière et vu le nombre d’évitements sur la section à voie unique (Limoges) Nexon-Périgueux, soit sept pour 78 km. Son premier intérêt serait de rétablir la possibilité de parcours de bout en bout sans transiter par Paris ou par Toulouse.
Actuellement, au mieux 5 heures via Paris avec changement de gare, pour 105 à 185 euros plein tarif 2e classe
Actuellement, Bordeaux-Lyon en TGV via Paris est proposé avec battement de une heure à Paris pour relier les gares de Lyon et Montparnasse en un temps variant entre 5h00mn et 5h30mn pour un prix plein tarif 2ème classe variant entre environ 105 et 185 euros (et quelque 84 euros par TGV Bordeaux-Paris et Blablabus Paris-Bercy-Lyon… en 9h41mn !). Via Toulouse, le temps de parcours proposé varie entre 6h50mn et 9h15mn et une à deux correspondances pour un prix plein tarif 2ème classe variant entre 45 euros (avec emprunt d’un Ouigo entre Bordeaux et Toulouse !) et 166,70 euros.
En 1999, le parcours Lyon-Bordeaux via Montluçon était abattu par les remarquables (mais énergivores) turbotrains en 7 heures 17 minutes pour 639km avec 15 arrêts intermédiaires, parmi lesquels celui de Saint-Germain-des-Fossés qui imposait un rebroussement avant de poursuivre vers Roanne et Lyon. Depuis 2006, un nouveau raccordement sud permet au flux transversal de l’éviter.
A la même époque, le parcours Lyon-Bordeaux via Ussel (629km) était abattu en 9h24mn par rames Corail tractées par des locomotives diesel (CC72000, BB67400…) avec 19 ou 20 arrêts intermédiaires. Ce train était dénommé Ventadour.
Le Ventadour Bordeaux-Clermont-Ferrand saisi à Laqueuille en 2014. Plus aucune circulation voyageurs ne dessert cette gare située à 65km de Clermont-Ferrand sur la ligne d'Ussel, amorce de l'antenne vers La Bourboule et Le Mont Dore. (Doc. Wikipedia)
De plus, une liaison de nuit via Montluçon complétait le dispositif, sauf les samedis d’hiver, par train avec voitures à sièges inclinables, en environ 9h40mn.
Les trois liaisons étaient, au départ des deux extrémités, réparties sur la journée, permettant un choix relatif pour un parcours de bout en bout. A Lyon, les trains étaient amorcés à Perrache et desservaient Part-Dieu avant d’emprunter le raccordement de Collonges-Fontaine, et inversement.
Le rétablissement des Lyon-Bordeaux multiplierait à l’infini le nombre de combinaisons origine-destination
Le deuxième intérêt d'un rétablissement des Lyon-Bordeaux serait bien sûr de multiplier à l’infini le nombre de combinaisons origine-destination dans et entre des régions notoirement désertées par le train. Rappelons que la région Nouvelle Aquitaine a rétabli récemment à ses frais une liaison birégionale directe quotidienne TER entre Bordeaux et Montluçon via Limoges, possibilité qui avait disparu avec la suppression des Lyon-Bordeaux.
Railcoop, qui entend s’inscrire dans le marché ouvert à la concurrence des « services librement organisés », affirme se poser en complémentarité du service public conventionné (TER, Intercités…), et entend défendre « l’égalité des territoires face à la mobilité ». Elle entend ainsi produire « une offre ferroviaire nouvelle (qui) doit permettre de renforcer le maillage (...), c’est-à-dire les connexions directes entre territoires, et non une centralisation de l’offre autour de métropoles, afin de contribuer au désenclavement ». Il reste à cette jeune entreprise coopérative à réaliser un travail considérable, tant pour sa certification que pour la mobilisation du matériel roulant ou la commercialisation et l'articulation des correspondances, potentiellement nombreuses pour ce type de relation. Un long parcours, dans toutes les acceptions du terme.
-----
Nos lecteurs peuvent se rapporter à notre étude en trois volets sur le bassin de Montluçon, parue en septembre 2019 :
Raildusud propose d'étudier le cas emblématique d'une ville moyenne, jadis centre industriel majeur, de cette France périphérique en grande souffrance, qui a subi de plein fouet le démantèlement ou la déflation délibérée de ses services ferroviaires : Montluçon et son bassin à cheval sur l'Allier, la Creuse et même le Puy-de-Dôme.
http://raildusud.canalblog.com
(et suivants)
... à l'information concernant la ligne des puys Clermont-Ferrand-Ussel :
Fermée aux voyageurs en 2014, la section Ussel-Volvic (85 km, mise en service en 1881) de la transversale (Lyon)-Clermont-Brive-(Bordeaux) attire l'attention de la partie aquitaine. Alain Rousset, président du Conseil régional de la région Nouvelle-Aquitaine, s'est exprimé sur ce sujet dans le cadre d'une réunion de sa majorité et de ses chefs de services régionaux au lycée des métiers du bâtiment de Felletin (Creuse, ex-Limousin), souhaitant une réouverture de cette "transversale des puys".
http://raildusud.canalblog.com
... et à celle concernant le devenir économique, démographique et ferroviaire de Montluçon :
Archétype de la relégation territoriale et ferroviaire avec la destruction méthodique de son réseau régional, Montluçon et son bassin continuent de subir leur longue descente aux enfers démographiques. Frappée de plein fouet par la désindustrialisation (sidérurgie, textile, pneumatiques, électronique...)
http://raildusud.canalblog.com
-----
Liens externes pour des informations sur Railcoop et ses projets :
Première coopérative ferroviaire à voir le jour en France, Railcoop ambitionne d'assurer ses premières dessertes fret au cours du premier semestre 2021. Le prix de vente de ses prestations constituera, sans doute, un des éléments majeurs de l'attractivité de son offre.
https://www.actu-transport-logistique.fr
Suspendue depuis 2012, la ligne Intercités Bordeaux-Lyon, qui dessert notamment Limoges, Guéret et Montluçon pourrait bénéficier de l'ouverture à la concurrence. La toute jeune coopérative Railcoop l'a choisie pour tester son modèle économique. Par quel miracle peut-elle ressusciter une ligne considérée par la SNCF comme non rentable ?
https://www.lamontagne.fr
En attendant je vais à Bordeaux en avion (moins de 30 € par easy jet mais sans bagages)