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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
6 mars 2020

Grenoble : contrat voté pour le téléphérique Métrocâble à 65 millions d'euros sur 3,7 km avec 5.000 voyageurs/jour

 La liaison par transport public d’une rive à l’autre de la presqu’île située au nord de la commune de Grenoble, soit entre Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux, implique le franchissement du Drac, de l’Isère, de deux autoroutes et d’une ligne de chemin de fer du réseau ferré national.

 Etrangement, c’est juste avant les élections municipales que le tout nouveau Syndicat mixte des mobilités de l’agglomération grenobloise (SMMAG) vient de voter la création d’un téléphérique sur cet axe. Ce syndicat, dont la compétence désormais dépasse la seule métropole de Grenoble, a autorisé le 20 février la signature d’un marché global d’un montant forfaitaire de 65 millions d’euros avec la société Poma, dont le siège est à Voreppe au nord-ouest de Grenoble. Le devis initial avait été évalué en novembre 2017, lors d’un vote favorable à la poursuite du projet par le conseil de la Métropole, à 57 millions d’euros, soit une dérive de 8 millions en deux ans.

GrenobleLe projet de téléphérique urbain veut répondre au problème du franchissement de deux cours d'eau, de deux autoroutes (A480 et N481) et des voies ferrées au sud du triage de la Buisseratte. (Document officiel)

 Ce projet baptisé Métrocâble, depuis longtemps controversé, prévoit une double ligne aérienne de 3,7km comprenant deux stations commerciales intermédiaires (donc quatre stations commerciales terminus inclus) et deux stations techniques intermédiaires. Ces dernières permettraient aux cabines de changer de câble tracteur et d’orientation. Les stations sont bien sûr en élévation assez importante par rapport au niveau du sol naturel, imposant un accès en fort dénivelé et la construction de bâtiments importants. La vitesse commerciale annoncée de bout en bout est modeste - 13,8km/h - soit 16 minutes entre les deux stations terminales, comparable à une liaison par autobus.

 L'intérêt de cette liaison est qu'elle relie le terminus de la ligne A du tramway à Fontaine La Poya, au terminus de la ligne B sur la presqu'île (commune de Grenoble, station Oxford), et à la station Saint-Martin-le-Vinoux Hôtel-de-Ville sur la ligne E. L'un de ses inconvénients est de constituer un système fermé, dit propriétaire, et coûteux, à 17,6 millions d'euros par kilomètre. Et de se baser sur des perspectives d'urbanisation irréalistes.

Pour l’ADTC, il s’agit d’une « décision précipitée » pour un trafic faible : 5.000 voyageurs par jour

 L’Association pour le développement des transports en commun, des voies cyclables et piétonnières dans l’agglomération grenobloise (ADTC) « regrette cette décision précipitée ». Une telle signature, à la veille d’élections municipales et métropolitaines susceptibles de rebattre les cartes est en effet surprenante.

 L’ADTC relève des prévisions de trafic « très faibles pour un investissement de cette ampleur ».  Le projet annonce en effet 5.000 voyageurs par jour, soit celui d’une ligne de bus à trafic moyen ou le dixième d'une ligne de tramway très moyenne. Les spécialistes du site transporturbain.canalblog.com notent qu’à ce niveau de fréquentation, « une ligne de bus bien aménagée pourrait déjà probablement répondre correctement à la demande... à un coût bien moindre que celui du téléphérique ! ».

MetrocableVue d'artiste du projet de station intermédiaire de Métrocâble en correspondance avec le terminus Oxford de la ligne B sur la presqu'île de Grenoble. On note le dénivelé important entre le sol naturel et la plateforme d'embarquement du téléphérique. (Document officiel)

L’ADTC relève aussi que « les retards (voire l’abandon) du projet Portes du Vercors sur Sassenage rendent le projet de Métrocâble encore moins urgent ». Ce projet envisage la construction de 100 à 150 logements par an, de commerces et l’installation d’activités économiques et de loisirs sur environ 100 hectares compris entre le Drac et le pied du massif du Vercors, sur les communes de Fontaine et Sassenage. Mais les perspectives d'urbanisation initiales viennent d'être réduites suite au reclassement de certaines zones.

Les besoins urgents d’autres secteurs, en particulier au sud de la ligne E

Pour l’ADTC, « les besoins sur beaucoup d’autres secteurs de l’agglomération sont plus urgents ». Pour l’association d’usagers, « le prolongement de la ligne E (depuis Louise-Michel, NDLR), vers Pont-de-Claix apparaît bien plus impératif » car le trafic attendu sur ce prolongement « est sans commune mesure avec celui du Métrocâble ». Cette fréquentation est estimée « à plus de 5 fois » celle du téléphérique soit plus de 25.000 voyageurs par jour.

 De fait, la correspondance avec la ligne de bus C2 qui se développe vers le sud depuis Louise-Michel, est notoirement inconfortable, le terminus de la ligne E du tramway étant en milieu de chaussée. De plus, poursuit le communiqué de l’ADTC, les territoires situées au sud de Louise-Michel affichent « un taux de motorisation faible », ce qui « nécessite une offre de transport collectif capacitaire ».

DSCN2314Rame TFS rénovée sur la ligne E, cours Jean-Jaurès à Grenoble, provenant de son terminus sud Louise-Michel. Là, une correspondance bus a été nécessaire en provenance des quartiers peuplés d'Echirolles et Pont-de-Claix. ©RDS

 Réclamant un choix rigoureux des dépenses réclamé par le commission d’enquête du PDU 2030, l’ADTC relève l’urgence des besoins à satisfaire dans d’autres secteurs encore, « par des créations de lignes de tramway vers Meylan, Sassenage, ou en rocade ». Elle ajoute la nécessité d’allonger les rames de tramway de la génération des TFS Alstom de 30m, qui ont équipé les premières lignes du réseau grenoblois et qui circulent désormais sur la ligne E et partiellement sur la ligne A.

La question de la recherche de notoriété

 La question posée est bien sûr celle de la recherche de la notoriété pour une ville qui créa le premier téléphérique urbain de France, reliant le centre historique et la Bastille, en septembre 1934, soit 25 ans avant celui du Mont-Faron à Toulon. Elle est certainement aussi celle de la volonté de promouvoir une entreprise locale.

 Poma qui, au début des années 1970, n'était pas parvenu à vendre à Grenoble son système Poma 2000 de cabines tractées par câbles sur viaducs urbains, tiendrait ainsi, 45 ans après, une forme de revanche. L'ADTC s'était constituée en refus du Poma 2000 et fut un des principaux avocats de retour du tramway.

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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