Juillet 2020 verra la remise en service du tronçon supérieur de l’ancienne ligne minière à voie métrique Saint-Georges-de-Commiers-La Mure, sous forme de train touristique accompagné d’équipements muséaux et récréatifs. Il aura donc fallu dix années, depuis un important éboulement qui avait submergé la plateforme en 2010, pour que cette ligne, l’une de plus impressionnantes d’Europe, retrouve une activité.

DSCN2575Le réseau SG-LM-G électrifié (au sud-est de Grenoble, en filet fin) dans sa plus vaste expansion au cours des années 1930. L'objectif était de rejoindre Gap depuis Corps, section dont l'infrastructure fut réalisée mais la voie jamais posée. (Carte d'époque)

 La remise en service concernera 15 kilomètres sur les 30km du parcours Saint-Georges de Commiers-La Mure, entre un terminus inférieur situé à proximité de La Motte-les Bains, à des centaines de mètres au-dessus du lac de barrage du Monteynard sur le Drac et en amont de l’éboulement, et le terminus supérieur à La Mure, où ont été construits bâtiment voyageurs et atelier de maintenance neufs.

Un coût de 26 millions d'euros portés essentiellement par le département de l'Isère et le délégataire Edeis

 Les travaux ont commencé en 2018 et l’ensemble de l’aménagement aura coûté 26 millions d’euros, financés par le département de l’Isère (15,7M€), Edeis son délégataire (6,6M€, la communauté de communes de la Matheysine (2M€, la région Auvergne-Rhône-Alpes (2M€) et l’Etat, propriétaire originel de la ligne minière (0,16M€). Edeis est une société d’ingénierie et de gestion d’infrastructures qui a repris les activités de SNC Lavallin en France. L’ancien bâtiment voyageurs de La Mure accueillera une école scientifique liée à l’Université de Grenoble.

  Le voyage d’agrément sera accompagné d’une visite à la mine-image de La Motte d’Aveillans sur le trajet retour. Mais le premier objectif sera bien sûr le trajet jusqu’au Monteynard, suivant un tracé d’une hardiesse rare avec tunnels semi-hélicoïdaux et une différence d’altitude de 162m en 6,5km entre La Motte-d’Aveillans et La Motte-les-Bains.

 Au terminus, la plateforme déferrée en aval est aménagée pour permettre aux voyageurs de se rendre jusqu’à un restaurant panoramique et jusqu’au belvédère, en passant sous le tunnel de Gravaison, long de 85m et restauré (PK14,7). Le restaurant panoramique habillé d’acier corten à oxydation lente, accessible uniquement par le train, disposera de 160 places dont 56 en extérieur sur 450m2. Deux rames circuleront, offrant 200 places chacune et leurs locomotives électriques.

Une ligne minière ouverte en 1888 et dont l'activité fret a cessé en 1988

 La ligne Saint-Georges-de-Commiers-La Mure, ouverte en 1888 pour relier les mines de charbon du bassin de La Mure, franchit un dénivelé de 565m sur 30km mais son tracé en plan tourmenté lui permet d’afficher des déclivités jamais supérieures à 28,5‰, indiquant le souci de ses concepteurs de permettre la traction de trains lourds. La section La Motte-les Bains – La Motte-d’Aveillans fut électrifiée dès 1903, une première hors métro, l’électrification complète étant réalisée en 1912 sous la tension originale de 2.400V en courant continu.

LaMureCouverture de l'ouvrage de référence sur la ligne de la Matheysine et ses prolongements, par Patrice Bouillin et Daniel Wurmser, édité chez l'auteur, paru en 1995.

 En 1932 est inauguré le prolongement de la ligne de La Mure à Corps - avec antenne jusqu’à Valbonnais - dans la perspective d’une liaison jusqu’à Gap. Mais la section Corps-Gap, dont la construction fut entamée, ne fut jamais achevée en raison des décrets de « coordination » (1934) qui allaient amorcer le démantèlement du réseau régional français sous la pression du lobby automobile et sous l'ifluence du député puis ministre des Finances (1930...) Paul Reynaud, originaire du Gapençais. La section La Mure-Corps est fermée dès 1949.

 Ce petit réseau, propriété des ponts et chaussées de l’Isère et dénommée SG-LM puis SG-LM-G, est passé tardivement sous la propriété du département. Si le trafic régulier de voyageurs, en correspondance avec les trains de la ligne Grenoble-Veynes à Saint-Georges-de-Commiers, fut supprimé en 1950, le trafic charbonnier a perduré jusqu’en 1988. Mais dès 1978 une exploitation touristique est amorcée, atteignant jusqu’à 95.000 voyageurs par an en 2003.

 L'exploitation est brutalement interrompue en 2010 par l’effondrement de 3.000 m3 de roches au ravin de La Clapisse, affouillant et obturant l’entrée d’une galerie-tunnel et ensevelissant une section de la plate-forme et l’amorce d’un viaduc. Nos lecteurs trouveront ci-dessous le lien vers une vidéo aérienne révélant l'ampleur de désordre.

VIDÉO - L'éboulement du petit train de La Mure comme vous ne l'avez jamais vu

A l'arrêt depuis 2010 à la suite d'un éboulement, le petit train touristique de La Mure (Isère) devrait bientôt renaître mais ce ne sera pas sur toute la ligne. L'éboulement est trop important et une société de production locale en livre des images saisissantes.

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 Seul le déblaiement et la coûteuse reconstruction de cette section en zone instable et inaccessible par route permettrait un rétablissement des circulations jusqu’à Saint-Georges-de-Commiers et la correspondance avec la ligne de Grenoble-Veynes, dans sa partie périurbaine de surcroît. Mais l’exploitation touristique seule ne suffirait pas à justifier l’investissement. Il faudrait un projet allant plus loin, prévoyant une véritable desserte commerciale intégrée aux réseaux de la métropole de Grenoble. A l’heure actuelle, la liaison en transport public La Mure-Grenoble (41km) est proposée par car avec des temps de parcours étagés entre 1h04mn à 1h29mn (lignes Transisère 4100, 4101, 4110), une partie des circulations passant par Vizille et la célèbre et dangereuse côte de Laffrey.

 L’investissement, certes lourd, serait mérité. Outre un remaillage évitant que les touristes soient contraints de rejoindre à La Mure le train métrique par la route, cette ligne valoriserait l'axe Grenoble-Veynes et intègrerait la Matheysine au système ferroviaire de la métropole. Il offrirait à tous, pendulaires ou touristes, un parcours somptueux.

 Notons que certaines sections ont été taillées dans la roche par des explosifs tirés au canon depuis la rive opposée du Drac. De quoi motiver les futurs touristes. Edeis, qui exploitera la ligne, escompte 120.000 voyageurs par an, à des tarifs variant de 24 à 25 euros pour les adultes (27,50 à 29,50 euros musée de la mine inclus) et de 19 à 20 euros pour les 4-15 ans. Un abonnement saisonnier personnel sera proposé à 65 euros.