La grève a fortement impacté le fret ferroviaire, les opérateurs alternatifs demandent une compensation à Macron

 « Depuis désormais 46 jours, les grèves affectent considérablement notre secteur. Nos clients souffrent également. Ils sont confrontés à des chaînes d’approvisionnement paralysées et sont contraints d’utiliser le transport routier » :  Cette alarme est lancée dans une lettre ouverte au président de la République signée par l’Association française du rail (Afra, qui réunit les tractionnaires fret hors SNCF), les compagnies de fret belge Lineas (issue de la SNCB devenue minoritaire) et française Europorte (groupe Getlink), le groupe belgo-américain RegioRail, l’association des opérateurs de proximité Objectif OFP, l’Association française des détenteurs de wagons (AFWP) et le Groupement national des transports combinés (GNTC).

 Les signataires estiment avoir perdu dans le conflit sur la réforme des retraites, qui inclut la suppression des régimes spéciaux dont celui de la SNCF, « des dizaines de millions d’euros ». Ils demandent une compensation à M. Macron.

Le taux du trafic fret assuré pendant la grève est descendu à 15%

 Le taux du trafic fret assuré pendant la grève est longtemps descendu à 15%. Il est remonté à quelque 70% durant la troisième semaine de janvier, selon l’Afra.

 Raildusud n’entend pas établir le degré de responsabilité du gouvernement ou des syndicats de salariés dans la très grave crise sociale que connaît la France et qui a vu son réseau ferré national quasiment paralysé un mois et demi. Entre la volonté de passer en force d’un côté en faisant fi du contrat social conclu à leur embauche avec les salariés au statut – contrat dont la responsabilité initiale revient à l’employeur public et à l’Etat -, et une grève frappant toutes les catégories sociales et professionnelles sans distinction comme principal moyen de protestation, la technique ferroviaire a été frappée de plein fouet.

Convoi de fret en Languedoc à La Castelle (2015, à la jonction du CNM alors en construction). Si l'on invoque souvent les aides publiques aux autoroutes ferroviaires et système multimodaux, on évoque moins souvent l'indispensable remaillage du réseau. ©RDS

 Or si l’on a beaucoup parlé des voyageurs, sujet qui fait monter l’audience des journaux télévisés, on a passé sous silence le fret ferroviaire, déjà structurellement malade en France et extrêmement impacté. En face, le fret routier est dopé par le moins-disant social des chauffeurs d'Europe de l'Est et l'abandon calamiteux de l'écotaxe.

Les signataires de la lettre ouverte, à laquelle la SNCF ne s’est pas associée malgré le déficit abyssal de Fret SNCF s’expliquent : «Acteurs du fret ferroviaire, nous subissons de plein fouet le blocage du rail. Nous estimons nos pertes à des dizaines de millions d’euros depuis le début du mouvement social. Nous vous invitons donc, Monsieur le Président, à instaurer un système de compensation prenant en compte l’ensemble des pertes que nous avons subies, permettant ainsi de préserver notre secteur et notre engagement sociétal. »

La part modale du rail dans le fret n'est que de 9% en France contre 40% en Suisse, 45% aux Etats-Unis

 « La part modale du rail dans le transport de marchandises n’est que de 9 % en France alors qu’elle est de 18 % en Europe. Cela doit changer ! », poursuit la lettre ouverte, exigeant « des mesures fortes et ambitieuses en faveur du transport ferroviaire ».

 La part modale du rail dans le fret atteint 40% en Suisse et 45% aux Etats-Unis. En Europe continentale, seule l'Espagne fait moins que la France, à 5%.

 Parmi les mesures de relance, les experts citent souvent l’aide aux autoroutes roulantes et au transport combiné. Mais on ne pourra pas faire l’impasse sur la densité du réseau après que sa longueur a été divisée par plus de deux depuis la nationalisation en 1938, et donc sur la réouverture de lignes sacrifiées par le bras armé de l’Etat, la SNCF.

Du côté du gouvernement, on reste prudent. Le 17 janvier, au cours de ses vœux à la presse, la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, tout en admettant que « tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut relancer le fret ferroviaire », se gardait d’annoncer la moindre mesure de relance. Mme Borne s’est contenté de ces mots : « Des mouvements de grève comme celui-là, c’est très pénalisant pour le fret. Il y a beaucoup de marchandises qui repartent sur la route et une fois qu’on est reparti sur la route, c’est plus compliqué de revenir sur le train ». Et ensuite?