Depuis ce premier janvier 2020, la SNCF est devenue un ensemble de trois sociétés anonymes (SA) à capitaux exclusivement publics, rejoignant le statut du droit privé et abandonnant, sur injonction de la commission européenne, celui d’établissements publics industriels et commerciaux (Epic) qu’elles avaient depuis 36 ans, considérés par Bruxelles comme susceptibles de faire obstacle à la « concurrence libre et non faussée ». En fait la SNCF retrouve, au moins formellement, la dénomination juridique qu’elle eut depuis sa création le 1er janvier 1938 et pour les 45 années suivantes, suite au regroupement en son sein des sept grands réseaux qui lui préexistaient (cinq privés, deux publics plus les deux syndicats des ceintures parisiennes). Cette première société anonyme d’économie mixte avait pour actionnaire majoritaire l’Etat à 51% et pour actionnaires minoritaires les sociétés héritières des grands réseaux privés, à 49%.

DSCN0943Rames TER Provence-Alpes-Côte d'Azur en gare d'Avignon-Centre. La SNCF va pouvoir être mise en concurrence par les conseils régionaux sur les relations qu'ils gèrent et qu'ils financent. © RDS

Depuis 1983, une interminable succession de réformes qui ont coûté en réorganisations

 Le 1er janvier 1983, la réforme Fiterman transforma la SNCF en Epic, amorce d’une interminable succession de réformes qui ont souvent désemparé les personnels et coûté en réorganisations. Voici les principales. A partir de 1997, en application d’une directive européenne, la propriété des voies ainsi qu’une large partie de la dette, est transférée à un nouvel Epic, Réseau ferré de France (RFF). La maintenance du réseau est toutefois déléguée par statut à la branche Infrastructure maintenue dans la SNCF, laquelle exploite les trains.

 En 2015, l’ensemble de la structure est de nouveau chamboulé avec deux transferts principaux : la création d’un Epic de tête ; la création de l’Epic SNCF Mobilité chapeautant l’exploitation et ses différentes branches et filiales parmi lesquelles la gestion des gares dénommée Gares & Connexions ; la création de l’Epic SNCF Réseau reprenant les fonctions de RFF - la propriété des voies, la gestion des circulations – mais récupérant toute la maintenance de l’infrastructure.

Trois SA et une reprise de 35 milliards de dette principalement contractée pour construire les LGV

 La réforme appliquée en ce 1er janvier 2020 crée principalement trois SA : la SA de tête (détention de tous les titres du capital de ses deux principales filiales, stratégie, gestion du personnel, coordination…) ; la SA SNCF Réseau, qui reprend après une longue bataille Gares & Connexions dans un souci de neutralité pour l’accueil des futurs exploitants ; et la SA SNCF Voyageurs. L’Etat reprend en contrepartie à son compte 35 milliards d’euros de dette ferroviaire sur quelque 50 milliards, part de dette principalement contractée pour construire les premières lignes à grande vitesse et qui lestaient le réseau d’une charge financière paralysante.

DSCN1064Sous-station électrique de la Castelle, près de Montpellier, construite par SNCF Réseau pour alimenter les circulations sur le Contournement de Nîmes et Montpellier. Les capacités d'investissement de la SNCF sont jusqu'à présent grevées par une charge de la dette écrasante. © RDS

 Par rapport à l’Epic SNCF Réseau, SNCF Voyageurs perd donc les gares mais aussi Keolis, filiale de transport public détenue à 70%, Geodis, filiale de logistique avec le transport routier de marchandises, et le fret ferroviaire qui devient une société anonyme. Ces trois filiales dépendront désormais directement de la structure de tête, la SA SNCF. SNCF Voyageurs  gèrera donc principalement les Grandes Lignes (TGV et ce qui reste d’Intercités), les TER dont elle aura obtenu la délégation de la part des régions, le réseau banlieue (hors RATP) de Paris (RER, Transilien) et le site oui.sncf.

 La tête de la SNCF, Jean-Pierre Farandou qui a fixé comme priorité « le ferroviaire français »

 Le gouvernement a nommé Jean-Pierre Farandou à la tête de la SA SNCF, à charge pour lui de proposer des noms pour la présidence de SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. Pour cette dernière,, il a d’ores et déjà nomme Christophe Fanichet, l’un de ses lieutenants. Pour SNCF Réseau, le PDG sortant, Patrick Jeantet, formellement nommé à la tête de Keolis, demeure en fonctions en attente d’un successeur, qui devrait être désigné ce mois-ci. Les autres dirigeants restent en place « sur fond de rumeurs de départs », indique l’AFP.

 La philosophie de Jean-Pierre Farandou devrait être marquée par sa longue carrière à la SNCF, où il est entré en 1981 et où il a assuré, en particulier, les fonctions de chef d’établissement à la gare de Rodez, une fonction « multimétiers » dont il est fier. Ce diplômé de l’Ecole des Mines de Paris était depuis 2012 président de Keolis, entreprise solidement implantée sur les marchés régionaux et urbains tant en France (réseau de Lyon…) qu’à l’étranger (réseau de banlieue de Boston…). « La priorité de mon mandat, c’est le ferroviaire français », a-t-il déclaré, semblant s’éloigner de la diversification tous azimuts qui a marqué les mandats de son prédécesseur Guillaume Pepy, qui avait fait de l’international et de la multimodalité (autocars, covoiturage, divers modes disruptifs…) sa marque de fabrique. Le précédent mandat a aussi été marqué par une profusion de marques à la définition coûteuse (Inouï, Ouigo, Ouibus…) qui ont brouillé l’identité commerciale du groupe.

 Jean-Pierre Farandou a semble-t-il aussi observé attentivement ce qui se passe outre-Rhin, où l’opérateur public historique DBAG a fait du retour à son cœur de métier, le ferroviaire intérieur, la priorité de ses priorités. Jean-Pierre Farandou s’est fixé comme objectif « un service de qualité dans les meilleurs délais possibles » dans le cadre « d’une bonne gestion de l’argent public ».

Plus de nouvelles embauches au statut, maintien du statut pour ceux qui y sont

 Notons pour terminer et revenir à l’actualité sociale, que les trois SA SNCF n’embaucheront désormais plus au statut cheminot qui garantissait des avancements, excluait les licenciements économiques, assurait un régime d’assurance maladie spécifique et un régime de retraite particulier tout du moins jusqu’à la réforme actuellement contestée. Déjà, à ce jour 11%, des 127.000 cheminots ne bénéficient pas du statut.

 Les 89% des actuels cheminots SNCF qui sont embauché au statut y demeureront, moyennant un assouplissement de la définition des fonctions afin d’instiller plus d’efficacité dans la gestion de la production – on pense en particulier à une plus grande polyvalence dans certains secteurs.  Pour les futures embauches, le contrat type de travail est prêt mais la convention collective de l’ensemble du ferroviaire français, qui concernera la SNCF comme les nombreux tractionnaires fret et les entrants du secteur voyageurs, n’est pas encore signée, dans l’attente d’un cadre définissant les métiers et d’une échelle de rémunérations.

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