Nouvelles menaces sur des lignes régionales, au demeurant aussi interrégionales et internationales : l’étoile de Breil-sur-Roya, soit Nice-Breil, Vintimille-Breil, Breil-Tende-Limone (Cuneo). Mise en service après maintes vicissitudes le 30 octobre 1928, cette étoile s’inscrivait autour d’une frontière franco-italienne bien différente d’aujourd’hui : les gares-frontière étaient celle de Saint-Dalmas-de-Tende et Breil puisque les communes de Viévola, Tende, La Brigue, Saint-Dalmas de Tende et Piène étaient alors en territoire italien. L’Italie électrifia en courant triphasé l’axe Cuneo-Tende-Vintimille, avec sa caténaire caractéristique à deux fils de contact et ses poteaux à espacements courts pour limiter le désaxement de la ligne électrique.
En 1940, après l’entrée en guerre de l’Italie contre la France, l’armée française détruisit plusieurs ouvrages d’art, interrompant la liaison ferroviaire entre le Piémont, Vintimille et Nice. En 1943 et 1944, des bombardements et destructions des différents protagonistes (alliés, italiens, allemands) interrompirent à nouveau le trafic. Suite à une exigence après-guerre du gouvernement français de restitution de terres niçoises concédées par Napoléon III à l’Italie réunifiée lors de l’annexion du Comté de Nice soit Viévola, Tende, La Brigue, Saint-Dalmas, Piène (beaucoup plus au nord, quelques hectares autour du col du Mont-Cenis…), le linéaire théorique des voies situé en territoire français s’allongea de la section Breil-Viévola, au-delà du tunnel du col de Tende,… impraticable durant des décennies avec ses caténaires abandonnées, ainsi que Breil-Piène. La modification de frontière a eu lieu en 1947, confirmée par référendum local.
Après-guerre et jusqu’en octobre 1979, l’étoile ferroviaire de Breil se résumait donc à une antenne vers Nice, la ligne de la basse-Roya jusqu’à Vintimille étant elle aussi neutralisée. Au nord de Tende, la liaison demeurait viable quoique non exploitée jusqu’à Limone, mais il arriva que des trains d’automobiles circulassent depuis Tende vers Limone pendant les épisodes neigeux. Fin 1979, par une sorte de miracle diplomatique et par un effort particulier de l’Italie qui finança (au titre de dommages de guerre) 90% des travaux pourtant situés essentiellement en territoire français, les ouvrages d’art détruits furent reconstruits, impressionnants pour certains dans cette zone montagneuse très tourmentée.
Des autorails directs Nice-Cuneo supprimés depuis
Désormais équipée d’une signalisation italienne au nord et au sud de Breil, la ligne Cuneo-Vintimille a été désélectrifiée et est exploitée en traction thermique, l’antenne Breil-Nice n’ayant jamais été électrifiée quant à elle. Après la réouverture de 1979, l'étoile de Breil fut exploitée par des autorails Vintimille-Breil-Cuneo, par des autorails Nice-Breil et par une rotation quotidienne Nice-Breil-Cuneo (Turin) (Nice 12h30, Cuneo 15h28 à l’horaire 1999) exploitée en matériel FS. Cette dernière disparut rapidement malgré l’intérêt de relier deux régions voisines dont les populations entretiennent de nombreuses relations, et deux métropoles, Turin et Nice, considérables. Mais on remarquera que cette relation n’intéresse pas Paris. Elle disparut rapidement, laissant la place à une exploitation SNCF en navette Nice-Breil en correspondance à Breil avec le flux Vintimille-Cuneo-Turin.
Aujourd’hui, TER Provence-Alpes-Côte d’Azur (SNCF Mobilités) offre en semaine 11 allers-retours sur l’antenne Nice-Breil (44km) en 1h07mn au mieux, 1h21mn au plus long selon l’horaire officiel, trois étant théoriquement prolongés ou amorcés à Tende. Trenitalia n’offre plus que deux AR Vintimille-Cuneo. Mais l’infrastructure se dégrade et SNCF Réseau réduit la vitesse à 40km/h voire 10 km/h au passage de certains ouvrages augmentant le temps de parcours réel et entraînant des substitutions par autocars sur des routes particulièrement tourmentées. En 1999, Breil-Nice était proposé en 1h01mn. SNCF propose à ce jour six bus Tende-Breil en semaine en 56mn pour 26km (distance par rail) alors qu’en 1999, le temps de parcours sur cette section descendait jusqu’à 34mn.
Selon le site transportrail.canalblog.com, Paris a confirmé une dotation de 29 M€ pour le renouvellement de la partie pour laquelle l’Italie refuse tout financement de maintenance depuis 2012 (lien ci-dessous). Mais « côté français, seuls 15 des 44 millions d’euros annoncés au Contrat de plan Etat-région 2015-2020 ont été confirmés », indique encore le site. Entre Nice et Breil, où l’offre est conséquente et bien qu'une une commande centralisée ait été installée avec remise à niveau de la voie, la vitesse ne peut être relevée à 80 km/h faute de travaux sur les ouvrages d’art.
La partie orientale de la Côte d’Azur fortement concernée aussi
Il se trouve que la liaison Breil-Vintimille intéresse directement la partie orientale de la Côte-d’Azur. Il est nettement plus avantageux pour les habitants de Monaco ou Menton de passer par Vintimille pour se rendre dans le haut pays, Breil, Tende ou au-delà vers le Piémont. Si la ligne Nice-Breil affiche une longueur de 44km, le parcours Menton-Nice affiche 23 km soit un parcours Menton-Breil via Nice de 67km avec une correspondance. Le parcours Vintimille-Breil affiche 21,6km alors que le parcours Menton-Vintimille affiche 10km, soit un parcours Menton-Breil de 31,6km, inférieur de plus de la moitié par rapport au parcours via Nice. Rappelons que la communauté d’agglomération de la Riviéra française (Menton) compte 73.000 habitants et qu’elle inclut, outre Beausoleil, Menton et Roquebrune-Cap-Martin, le haut pays soit… Sospel, Breil et Tende. La principauté de Monaco voisine affiche une population résidente de 38.500 habitants et draine une importante population de salariés pendulaires.
Pour mémoire, terminons en rappelant qu’un tramway Menton-Sospel exploité par les TNL (Tramway de Nice et du Littoral) en correspondance à Sospel avec la ligne Nice-Breil, fut exploité de 1912 à 1931, signe des liens étroits entre le haut pays et la côte. Aujourd’hui, l’intercommunalité propose un bus Tende-Menton (ligne 905) en 1h48mn au mieux et en 56mn de Menton à Breil, trois fois par jour. En 1999, l’itinéraire fer Menton-Breil via Vintimille pouvait être effectué en 1h01mn avec une longue correspondance de 34mn à Vintimille et Menton-Tende en 1h49mn par les mêmes trains, soit le même temps qu’en bus aujourd’hui malgré cette longue correspondance. Cette dernière, réduite à 10mn, permettrait une liaison fer Menton-Tende en 1h25mn et Menton-Breil en 47mn. En évitant les épingles à cheveux et les risques de la route de montagne.
Rappels géopolitiques pour commencer. En 1947, la frontière franco-italienne a été modifiée, la France récupérant la haute vallée de la Roya et plus précisément Viévola, Tende, La Brigue et Saint Dalmas de Tende. Le principe de reconstruction de la section française de Breil sur Roya - Cuneo était approuvé par une convention intergouvernementale en juin 1970, financée à 90% par l'Italie, au titre des dommages de guerre.
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