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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
3 novembre 2019

Nantes-Bordeaux : rénovation a minima d'un maillon de la grande rocade Bretagne-Aquitaine-Provence aujourdhui disloquée

 La section La Roche-sur-Yon – La Rochelle de la rocade Nantes-Bordeaux sera fermée à toute circulation voyageurs de janvier 2020 à mai 2021, soit seize mois, pour rénovation totale d’une des deux voies et mise à voie unique avec réserve d’une éventuelle repose d’une deuxième voie neuve. Si cette section de 103km à cheval sur les régions Pays-de-Loire et Nouvelle-Aquitaine ne relève pas du grand Sud-Est étudié par raildusud, elle ne la concerne pas moins en tant qu’élément d’une plus vaste rocade ferroviaire des deux mers allant de la Bretagne à la Provence et desservant un considérable chapelet de métropoles et de villes, de Nice à Quimper via Toulon, Marseille, Nîmes, Montpellier, Narbonne, Toulouse, Agen, Bordeaux, Saintes, La Rochelle, La Roche-sur-Yon, Nantes, Vannes, Lorient...

Vitesse limitée à 60km/h sur 103km, un record de lenteur européen

 Le coût de la rénovation de La Roche-sur-Yon-La Rochelle est établi à 152 millions d’euros pour un gain de temps final d'environ 30minutes. La vitesse sur cette section avait été réduite à quelque 60km/h, probablement un « record » européen de lenteur sur une section d’importance inter-régionale de plus d’une centaine de kilomètres. Deux sites de croisement seront aménagés, à Luçon et Marans, induisant ainsi deux cantons à voie unique de 36km (La Roche-Luçon) et 43,5km (Luçon-Marans), puisque la voie 1 sera déposée sur l’ensemble de la section en attendant une éventuelle remise à double voie.

 On ne saurait mieux limiter d’entrée la fréquence des futures circulations. Si deux trains sont lancés en sens contraires simultanément, l’intervalle minimum entre deux trains dans chaque sens de circulation sur une ligne à voie unique est le temps nécessaire à parcourir deux sections encadrant un croisement. La voie étant portée à l’issue des travaux de 60km/h à 110km/h, voire 130km/h, le débit maximum sera donc environ d’un train par heure et par sens lorsque deux trains seront programmés en sens contraire. Encore un probable « record » européen de faible débit pour une ligne de cette importance. Comme l’offre voyageurs actuelle sur la section concernée est limitée à deux allers-retours Intercités Bordeaux-Nantes et deux AR TER par jour, SNCF Mobilités n’en demandait certes pas plus.

Bordeaux Saint-Jean : à 2h04mn de Paris (540km), à 5h06mn de Nantes (343 km) ou 4h01mn via Tours. Cl. RDS

 Au total, cette rénovation est réalisée à coût minimum avec mise à voie unique, ce qui est classique pour une ligne ne concernant pas l’étoile parisienne. Seules les sections au nord de La Roche-sur-Yon (électrifiée avec TGV Paris-Les Sables) et au sud de La Rochelle sont modernisées à double voie. La durée de transfert sur route pour travaux, 16 mois en une seule tranche, est elle aussi considérable, supérieure aux durées maximales d’interruption lors de la lourde modernisation du sillon alpin. Enfin, le futur plafond de débit - même si la mise à voie unique sera en partie compensée par la hausse de la vitesse maximale admise – ne laisse pas augurer un bond de l’offre entre deux métropoles nationales distantes de 343km par rail (Nantes et Bordeaux, respectivement 640.000 et 785.000 habitants) et leur chapelet de villes intermédiaires (intercommunalités de La Roche-sur-Yon, 96.000 habitants, La Rochelle, 170.000 habitants, Rochefort, Saintes…).

Une grande rocade Bretagne-Provence démembrée entre quatre sections

 Or la grande rocade des deux mers Bretagne-Provence est aujourd’hui morcelée entre quatre sections : Quimper-Nantes, Nantes-Bordeaux, Bordeaux-Marseille, Marseille-Nice. Elle fut pourtant parcourue par des trains à longs parcours jusque dans un passé récent. Aujourd'hui, les liaisons Bretagne-Provence ou Languedoc sont systématiquement renvoyées sur le réseau à grande vitesse radial via l’Ile-de-France et Paris.

Toulouse-Matabiau, TGV pour Paris. Pour La Rochelle ou Nantes, plus aucun direct. Cl. RDS

SNCF Mobilité, qui raisonne désormais en « origine-destination » de point à point sur le mode de l’aérien, passe par profits et pertes la quantité de combinaisons intermédiaires qu’une liaison continue en rocade permettrait d’offrir à nouveau (par exemple Toulon-Toulouse, Montpellier-La Roche-sur-Yon, Agen-La Rochelle, Toulouse-Lorient et quantité d'autres…) avec des temps de parcours équivalents voire inférieurs aux détours via Paris, fussent-ils « à grande vitesse », et l’économie de correspondances aussi longues qu’aléatoires.

Voici un quart de siècle, des trains desservaient de 20 à 30 villes…

 A l’horaire 1992, cette rocade d’intérêt national offrait pour les plus longs parcours un AR Quimper-Marseille de jour desservant un total de quelque 29 villes (extrémités comprises) en 11h37mn pour 1.280km, et un Nantes-Vintimille de nuit desservant quelque 30 villes en 15h47mn pour 1.283km, avec de longs relais-traction à Nantes, Bordeaux ou Marseille. Parmi les relations intermédiaires, notons que Nantes-Bordeaux était alors parcouru en 3h59mn au mieux. En 2019, Nantes-Bordeaux est proposé en... 5h06mn par Intercités. La relation entre les deux métropoles est aussi proposée en 4h01 à 4h53 via la LGV Bordeaux-Tours, soit en plus de temps qu’il y a un quart de siècle, sans desserte des gares intermédiaires et à des prix TGV. En 1992, un Nantes-Nice accéléré sans arrêt de Bordeaux à Marseille ou un Quimper-Toulouse de nuit, entre autres, étaient aussi proposés à certaines périodes.

 Les relations inter-régionales hors Ile-de-France et la multipolarité sont décidément les grandes sacrifiées de la France ferroviaire post-moderne et déterritorialisée.

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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