Tandis que la question de la gratuité des transports urbains est remise sur le tapis de la campagne pour les municipales à Montpellier par le candidat socialiste Michaël Delafosse, comme à Lille par Martine Aubry, le président de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut) Bruno Gazeau a fermement pris position dans La Vie du Rail. Dans un entretien publié dans le numéro de novembre du mensuel et repris dans La lettre du Cheminot, Bruno Gazeau explique que « ce n’est pas la gratuité qui booste la fréquentation (du transport public) mais sa performance » et dénonce dans cette proposition politique une idée « assassine ». (Voir le lien en fin de texte).
Revenant sur l’exemple régulièrement invoqué de Dunkerque, agglomération de 200.000 habitants et première ville de cette taille à instaurer la gratuité (depuis 2018), le président de la Fnaut relève que « c’est une ville qui n’a jamais vraiment investi dans les transports publics ». Elle a ainsi a refusé de construire un tramway en se contentant d’un « bus à haut niveau de service » aux capacités par définition limitées. Bruno Gazeau rappelle que l’installation d’une ligne de tramway entraîne en moyenne une hausse de la fréquentation de 62% sur l’axe desservi auparavant pas autobus, fussent-ils articulés.
La poussée de fréquentation fièrement affichée par Dunkerque (+65% en semaine) paraît assez peu significative pour le représentant de la fédération d’usagers car « Dunkerque ne dit pas comment elle compte et avec quels chiffres de fréquentation elle fait ses comparaisons ». Il relève aussi que l’agglomération partait de chiffres « assez bas » et que « le taux de couverture (dépenses d’exploitation par recettes commerciales, NDLR) était déjà si bas qu’il n’y avait pas grand-chose à perdre ». L’économiste Frédéric Héran a établi de son côté qu’à Dunkerque l’usage de la voiture n’a reculé que de 3% en un an, la marche de 3%... et l’usage du vélo de 15%. Bruno Gazeau en conclut que « c’est bien la qualité de l’offre de transport public qui est déterminante pour inciter les citadins à lâcher le volant ».
L'investissement, la qualité de service et la sûreté sont menacés
Le président de la Fnaut relève par ailleurs qu’à Paris le taux de couverture des dépenses d’exploitation par les recettes étant de 27%, l’instauration de la gratuité représenterait une perte de 2,5 milliards d’euros par an. Le taux de couverture des dépenses d’exploitation par les recettes dans les grandes villes équipées d’un système en site propre (tramway, métro, VAL) est de cet ordre de proportion, à quelques exceptions près. L’usager dans les grandes villes hors Paris paie environ 30%, en moyenne, du vrai coût total de son voyage. L’enjeu de la gratuité présente donc le même risque. C’est l’investissement futur qui est susceptible d’être compromis si l’on coupe les recettes commerciales, alors qu’il est déjà peu soutenu par l’Etat dans les grandes villes de « province ». Mais c’est aussi la qualité du service et la sûreté qui seraient menacés. (Lire aussi notre article du 25 septembre 2019)
In fine, Bruno Gazeau prône une modulation des tarifs sur les critères sociaux, « pour ceux qui en ont besoin » car généraliser la gratuité « dans les grandes villes serait une mesure assassine pour le transport public qui repose sur le trépied contribuable, usagers, entreprises ».
Accueil / Communication / " Ce n'est pas la gratuité qui booste la fréquentation du transport public mais sa performance " Par : Propos recueillis par Nathalie Arensonas Citation de Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut).
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