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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
11 octobre 2019

Bassin de Montluçon : crises économiques, démembrement ferroviaire, relégation territoriale (étude - 2/3)

2 – Le devenir des liaisons ferroviaires fermées aux voyageurs

La première partie de note étude s’est attachée à présenter le bassin de Montluçon (Allier, est de la Creuse, nord-ouest du Puy-de-Dôme) dans ses composantes démographiques et économiques, puis à recenser les lignes ferroviaires qui l’ont desservi par le passé et à préciser leur durée de vie. Nous avons vu que Montluçon a perdu 37,5% de sa population en un peu moins d’un demi-siècle, ainsi que sa voisine Commentry. Nous avons vu que sur 9 destinations ferroviaires au départ de Montluçon, directement ou embranchées sur une de ses radiales à proximité (à Commentry, Lapeyrouse ou Doyet-la-Presle), seules 3 d’entre elles avaient été maintenues en activité. Dans cette première partie, nous avons comparé les services voyageurs ferroviaires et routiers de complément aux horaires de 1956, 1992 ou 1995 et 2019. Nous avons établi que les relations grandes lignes directes avaient disparu (Lyon-Bordeaux, Ussel-Paris, Lyon-La Rochelle) et que le rétablissement l’année dernière d’une liaison quotidienne Montluçon-Bordeaux sauvait de peu les apparences. Nous avons montré que les fréquences régionales s’étaient dégradées, souvent très fortement, et que les vitesses commerciales s’étaient au mieux maintenues ou s’étaient dégradées, parfois fortement avec les substitutions routières, en particulier depuis le début de ce XXIe siècle.

 Il nous reste à étudier le sort des six autres destinations ferroviaires voyageurs qui ont été supprimées, depuis 1932 jusqu’à ces toutes dernières années, et à comparer les services voyageurs disparus avec les offres de transport public actuelles. Nous suivrons l’ordre chronologique de la fermeture des lignes étudiées. Les dates entre parenthèses indiquent les années d’ouverture et de fermeture au service voyageurs de la ligne ferroviaire.

-          (Montluçon-Commentry) Doyet-la-Presle-Bézenet-Orléans (1859-1932).

1923. Cette antenne minière de 5,4km mise en service en même temps que la ligne Commentry-Moulins sur laquelle elle était embranchée, était  desservie en 1923 par quatre navettes (six en 1906) qui effectuaient le parcours en correspondance avec les trains Montluçon-Moulins, en 15 minutes à la montée et en 11 minutes à la descente. Les temps de parcours Montluçon-Bézenet Orléans (ce dernier nom pour différencier la gare de celle du réseau à voie métrique) était cette année-là d’un peu moins d’une heure pour 29km. Il est à noter que le voyageur avait la possibilité d’emprunter à Commentry la ligne départementale à voie métrique Marcillat-Commentry-Bézenet, fermée par tronçons entre 1933 et 1939 (Réseau du Centre des Chemins de fer économiques).

En 1956 et 1995, Bézenet n’était plus mentionnée dans la nomenclature des gares des « réseaux divers » annexée à l’indicateur Chaix puis SNCF.

En 2019, Bézenet est desservie depuis Montluçon par la ligne B des autocars du réseau Trans’Allier (Montluçon-Doyet-Bézenet-Montmarault-Saint-Pourçain-Vichy)  en 29 minutes quatre fois par jour du lundi au samedi en période scolaire (avec des horaires décalés certains jours pour deux courses) et trois hors périodes scolaires. Un service quotidien relie Bézenet à Commentry en 25 minutes.

 Conclusion. Si le temps de parcours a été divisé par deux par rapport à 1923, la fréquence reste égale mais la stabilité des horaires est fortement dégradée. La volonté de coller à la demande rend l’offre difficilement lisible. La disparition des mines n’a pas été compensée par une hausse de la fréquence du service de transport public vers la ville-centre, Montluçon, afin d’aider le territoire désindustrialisé. Or la fréquence est un élément-clé de la vitesse globale d’un voyage et de l’attractivité des localités desservies.

 

-          Montluçon-Gouttières (1931-1939).

 En 1931 à sa mise en service par la compagnie du Paris-Orléans, cette liaison de 43,3km traversant un relief de plateaux entaillés de vallées était desservie par 3AR voyageurs quotidiens desservant  les 8 stations, extrémités incluses, et par des trains de curistes Paris-Néris-les-Bains. La ligne fut fermée au service voyageurs par la toute nouvelle SNCF dès 1939 et au fret par sections jusqu’en 1969. Une activité voyageurs demeura jusqu’à Néris-les-Bains avec des trains saisonniers de curistes depuis Paris jusqu’en 1957. Il s’agit probablement d’une des lignes à la plus courte durée de vie du réseau français malgré le soin apporté à sa réalisation.

 Car la compagnie du Paris-Orléans avait particulièrement soigné ses gares. Celle de Néris-les-Bains, à 8km de Montluçon, a été conçue par l’architecte Louis Brachet dans un style monumental régionaliste. Elle est composée de plusieurs pavillons de pierre de taille et fut classée monument historique (façade et toitures) en 1975. Elle comportait deux voies à quai encadrant une voie centrale de passage ou de stationnement, et un faisceau marchandises.  La ligne visait à desservir l’importante cité thermale de Néris-les-Bains (2.600 habitants en 2019 contre 4.595 en 1954 soit une déflation de 43% en 65 ans). Ses thermes, bâtis au milieu du XIXe siècle, avaient une réputation nationale et constituent encore aujourd’hui avec ceux d’Evaux-les-Bains l’un des deux pôles thermaux du bassin de Montluçon. Le PO avait  d’ailleurs soigné tous les bâtiments de la ligne, comme la gare de Terjat, pourtant située en pleine campagne.

La gare monumentale de Néris-les-Bains. Une ligne ouverte en 1931, fermée en 1939 et 1957. Cl RDS

 La ligne avait aussi une fonction fret avec les mines de la commune de Gouttières (1.000 habitants en 1900, 350 aujourd’hui) et une importante activité agricole et d’élevage.

En 1956, seul un train composé d’une tranche de voitures de l’AR Paris-Ussel de jour desservait Néris-les-Bains de et vers Montluçon chaque jour en saison estivale.

En 1992, la relation résiduelle a disparu de l’indicateur officiel de la SNCF et la desserte est passée aux départements (la partie sud de l’ex-ligne avec les gares de Pionsat et Gouttières est située dans le Puy-de-Dôme).

En 2019, l’axe est desservi par la ligne H du réseau départemental Trans’Allier, qui  présente des parcours divers et des horaires en pointillés de Montluçon à Pionsat mais sans aller jusqu’à Gouttières, avec en semaine 1AR quotidien toute l’année, un autre limité à Marcillat via Commentry en période scolaire, un autre limité à Durdat via Commentry sauf mercredis. Quelques autres courses épisodiques avec des parcours déviés ou non, raccourcis ou non, complètent le tableau d’un service dédié aux scolaires et à quelques captifs dans cette région démographiquement sinistrée. Pour référence, Marcillat-en-Combraille, située à la fois sur l’ex-ligne de Gouttières et origine de l’ancienne ligne départementale à voie métrique Marcillat-Commentry-Montmaraut-Saint-Pourçain-sur-Sioule (on comptait à Marcillat deux gares côte-à-côte) comptait 2.063 habitants en 1901, 1.290 en 1954, 898 en 2016, soit une déflation de 57% depuis le début du XXe siècle et de 30% les 65 dernières années.

 Néris-les-Bains est desservie en semaine par autocars départementaux avec 6AR quotidiens Montluçon en période scolaire (dont un à réservation obligatoire la veille !), avec modification les mercredis pour certaines courses, et par 2AR hors périodes scolaire. Le service est réduit et non identique les samedis et dimanches. La grille horaire tente de coller aux besoins les plus élémentaires, alliant complexité et dénuement.

 En outre en semaine 2AR autocars TER  Montluçon-Saint-Eloy-les-Mines à tarification SNCF desservent Néris-les-Bains. Notons que, faisant partie de la communauté de communes sans compétence transports de Commentry-Montmarault-Néris, Néris-les-Bains n’est pas desservie par le réseau urbain de Montluçon bien que la distance entre les deux villes soit inférieure à 8km. Commentry (6.200 habitants), distante de 7km de Néris-les-Bains, est en revanche reliée par train à Montluçon (14km) par 15AR par jour.

Marcillat-en-Combraille. La belle gare du PO (réaffectée, cl. RDS) voisinait avec celle du métrique.

Conclusion. Le sud-est du bassin de Montluçon n’aura connu une desserte ferroviaire régulière que durant huit années avant-guerre et la station thermale de Néris-les-Bains, au fort potentiel, n’aura été desservie par des trains de curistes estivaux que pendant un petit quart de siècle si l’on ôte les vicissitudes de la guerre. Aujourd’hui cette zone jadis desservie par l’ancienne ligne Montluçon-Gouttières, est divisée entre deux réseaux départementaux d’autocars, réduisant les services à la satisfaction minimale des scolaires et de quelques personnes âgées, dispersant les itinéraires et rendant les horaires illisibles. Les autocars TER ne comblent pas ce vide, le tout renvoyant cette zone de la Combraille à une situation de sous-développement criant en matière de transport public. Pendant ce temps, entre 5.000 et 10.000 véhicules par jour défilent sur la route départementale 2144 Montluçon-Saint-Eloy-les-Mines qui traverse la vielle ville haute de Néris-les-Bains.

-          Montluçon-Ville Gozet-La Châtre-Châteauroux (1884-1969).

En 1956, cette ligne de 105km (102km depuis la bifurcation de La Ville-Gozet) était desservie en 1956 par 2AR autorail avec des temps de parcours variant entre  2h21mn et 2h24mn, complétés par deux rotations d’autocars SNCF en 2h41 à 2h43mn lesquelles ne desservaient pas trois des gares du parcours desservies par le train. A Châteauroux, outre l’axe Paris-Toulouse, les deux trains quotidiens donnaient correspondance pour Tours, ligne elle aussi fermée depuis.

 En 1995, la section Montluçon-La Châtre a disparu de l’horaire officiel, seule la section La Châtre-Châteauroux (38km en environ 45mn) restant mentionnée, sur route, avec tarification départementale.

 En 2019, la liaison Montluçon-Châteauroux de bout en bout n’est assurée ni par le réseau Trans’Allier ni par le réseau des liaisons routières Remi de la région centre-Val-de-Loire. Les utilisateurs du transport public qui veulent rejoindre Châteauroux depuis Montluçon doivent donc passer soit par la ligne de Saint-Sulpice-Laurière soit par celle de la vallée du Cher vers Bourges/Vierzon avec ruptures de charge et souvent ruptures de modes de transport. Et utiliser un car à Châteauroux pour revenir vers le sud à La Châtre le cas échéant.

 Aujourd’hui, il n’existe aucune ligne routière de service publics parallèle à l’ancien chemin de fer via La Châtre, ligne la plus courte entre Montluçon et Châteauroux avec ses 105 km. La déconnection entre les réseaux départementaux (Allier et Indre) ou régionaux (Auvergne-Rhône-Alpes et Centre-Val de Loire), conséquence de l’abandon par l’Etat de son rôle de coordinateur des réseaux décentralisés, est flagrante. Aujourd’hui, l’horaire internet de la SNCF offre quatre combinaisons d’itinéraires et une multitude de correspondances pour un total de six relations quotidiennes, évidemment impossibles à cadencer et de statuts de tarifications différentes. Dans le sens Montluçon-Châteauroux, par ordre chronologique dans la journée, les voici :

 via Saint-Florent-sur-Cher (train+car) soit 139km et 2h39mn ;

 via Vierzon (car+train) soit environ 196km et 2h58mn ;

 via Bourges et Vierzon (trois trains successifs) soit 204km et 3h03mn ;

 via Saint-Sulpice-Laurière  (deux trains)  soit 226km en 2h51mn ;

 via Bourges et Vierzon (trois trains, dont deux TER et un Intercités à réservation obligatoire) soit 204km en 2h27mn, le record de « vitesse » de la journée ;

 via Bourges et Vierzon (trois trains, dont deux TER et un Intercités à réservation obligatoire) soit 204 km en 3h11mn, le record… de lenteur.

Conclusion. Le temps de parcours actuel minimum de 2h27mn, est légèrement supérieur à celui des autorails omnibus de 1956 (2h21mn) qui non seulement reliaient les deux villes mais permettaient toutes les combinaisons possibles entre les 18 gares de la ligne, parmi lesquelles celle de La Châtre. Notons pour mémoire les populations de trois intercommunalités concernées sur cette centaine de kilomètres : celle de Montluçon, 64.500 habitants ; de Châteauroux, 74.000 habitants ; de La Châtre, 16.400 habitants. De plus, ce temps de parcours minimum est unique dans la journée. Des six solutions quotidiennes proposées entre  Montluçon et Châteauroux contre en  4 en 1956, toutes imposent des détours considérables, cinq avec des temps bien supérieurs aux autorails d’autrefois, et toutes oblignent à des changements de trains (jusqu’à deux !) et souvent de modes (autocar, train). Aucune n’assure la desserte depuis Montluçon des gares intermédiaires de l’ancienne ligne, La Châtre incluse. C’est un exemple éblouissant des conséquences désastreuses du démaillage du réseau ferroviaire d’une part, des ruptures de continuité entre des réseaux de transport public départementaux/régionaux voisins d’autre part.

 

-          (Montluçon) Commentry-Moulins (1859, 1972).

 En 1956, la liaison ferroviaire est assurée par 3AR quotidiens plus un 4e en été,  en 1h40mn à l’exception d’un AR marchandises-voyageurs effectuant le parcours en 2h25mn.

En 1992, la liaison a disparu de la nomenclature des relations SNCF, étant passée au réseau d’autocars départementaux.

En 2019, la liaison est effectuée par les autocars de la ligne A du réseau Trans’Allier en  environ 1h40mn de bout en bout, avec 4AR quotidiens, quelques compléments, sans desserte de Commentry sauf lundis et vendredis, rendant la liaison Commentry-Moulins assez acrobatique. On note un ou deux services partiels sur chacun des bouts de lignes en période scolaire.

Conclusion. En soixante-trois ans, la situation de l’offre de transports publics n’a pas bougé en matière de temps de parcours, pendant qu’on divisait par plus de deux le temps de parcours Paris-Lyon (la vitesse, ce n’est pas pour ces départements de la « périphérie intérieure »). La fréquence a été à peine augmentée moyennant une déstabilisation des horaires (périodes scolaires, vacances, lundis, vendredis, jours de rentrée, veilles de fêtes…). La desserte des communes intermédiaires a été dégradée avec le « shunt » de Commentry. L’offre colle au plus près des besoins minimum, sans cadencement, étouffant l’élasticité de la demande. Pourtant cette liaison dessert, outre des localités frappée par la désindustrialisation (Noyans, Doyet, Bézenet…) la petite ville de Souvigny, réputée pour son attrait touristique et culturel grâce à sa vaste abbaye clunisienne, haut lieu du Bourbonnais.

 Notons pour la curiosité que la SNCF/TER propose une solution via Riom, soit un trajet Montluçon-Moulins de 188km en 2h39mn avec un changement, soit une heure de plus qu’en 1956.

 

-          (Montluçon) Lapeyrouse-Volvic (Clermont-Ferrand) (1909-2007).

 En 1956, cette liaison offrait 3AR quotidiens en jour ouvrable de base Montluçon-Clermont-Ferrand via  Saint-Eloy-les-Mines, Gouttières et Volvic (109km). En service d’été, elle était limitée à 2AR sauf dimanches et fêtes où 1AR était assuré de Lapeyrouse à Clermont-Ferrand en correspondance avec un train de l’axe Montluçon-Gannat. Le meilleur temps de parcours Montluçon-Clermont était de 2h29mn (2h30mn en sens inverse). Le meilleur temps de parcours Saint-Eloy-les-Mines-Clermont-Ferrand était proposé en 1h41mn. Ces liaisons  venaient en complément des 4AR circulations Montluçon-Clermont-Ferrand via Gannat, soit une trame de 7AR hors semaines d’été. Notons qu’une rotation supplémentaire était assurée les samedis sur la partie haute de la ligne, des Ancizes-Saint Georges à Clermont-Ferrand. Notons aussi la présence sur cette ligne, fermée en 2007 pour manque de financement d’une rénovation, du célèbre viaduc des Fades sur la Sioule (470m de portée, 133m de hauteur maximale).

En 1992, la ligne ne voit plus passer de train direct Montluçon-Clermont-Ferrand à l’exception des lundis (1AR), samedis (1AR), vendredis (1AR) et dimanches (1AR). En semaine, circulent trois AR Saint-Eloy-les-Mines-Clermont-Ferrand, bardés d’exceptions de circulation qui rendent l’horaire illisible. La liaison Montluçon-Saint Eloy-les-Mines est assurée par autocars sans desserte de Lapeyrouse et, surtout, sans offrir de correspondances avec les trains Saint-Eloy-les-Mines-Clermont-Ferrand ! L’un d’eux arrive 14mn après le départ de l’autorail. Pourtant, les rares  AR Montluçon-Clermont-Ferrand sont proposés en 2h04mn au mieux, soit 25mn de moins qu’en 1956. Les AR Saint-Eloy-les-Mines-Clermont-Ferrand sont proposés en 1h26mn, soit en 15 minutes de moins qu’en 1956. L’axe n’offre donc plus d’alternative sérieuse au parcours par Gannat. Une telle trame horaire, malgré les accélérations des vitesses commerciales, relève de la mise à mort délibérée de la ligne.

En 2019, la ligne a été démembrée sur l’horaire SNCF : la seule liaison proposée entre Lapeyrouse et Volvic est établie deux fois par jour via Clermont-Ferrand en 3h29mn au mieux en car+TER. Le réseau départemental Transdôme propose une ligne numérotée 61 au départ de Montaigut et Saint-Eloy-les-Mines vers Clermont-Ferrand, mais via Menat et Riom, délaissant donc les communes intermédiaires anciennement desservies par le train (Gouttières, Les Ancizes…). Cette ligne ne propose que 1AR quotidien (plus un retour supplémentaire les mercredis scolaires au départ de Clermont-Ferrand), en 2h05mn de Saint-Eloy-les-Mines à Clermont-Ferrand soit une dégradation de 39 minutes par rapport à 1992, avec des dessertes intermédiaires différentes (peut-être plus attrayantes).

 Les Ancizes sont desservies en revanche par 6AR cars TER vers Volvic avec correspondance pour Clermont-Ferrand par train TER, le tout en environ 1h10mn contre 43mn en 1992 par train, et Saint-Gervais-Châteauneuf est desservie de son côté par 2AR en semaine (et le dimanches soir). Côté Allier, Saint-Eloy-les-Mines est relié à Montluçon par une ligne de cars TER proposant 3AR directs par jour en 40mn à 59mn (35mn en 1992 par car, 48mn en 1956 par train), plus 3AR en correspondance car+car ou car+train à Commentry affichant des durées de bout en bout variant entre 53mn et… 2h09 (ce dernier avec 1h08mn de battement à Lapeyrouse !).

 Conclusion.  Les dessertes de l’ancienne ligne ferroviaire ont été dispersées, et avec elles toutes les combinaisons permises entre les gares de son parcours. La partie sud connaît une desserte de transport public améliorée en termes de fréquences la semaine, mais inexistante les samedis et réduite à aux soirs du dimanche. Par ailleurs, elle est nettement dégradée en termes de temps de parcours et ne connaît aucune liaison avec la partie nord. Les dessertes vers Volvic sont dispersées en plusieurs itinéraires. La partie nord, elle, connaît une régression du service routier en termes de temps de parcours y compris, pour certaines relations, par rapport au service ferroviaire via Commentry de 1956.

 La commune de Saint-Eloy-les-Mines compte environ 3.700 habitants aujourd’hui, contre 7.000 en 1954, soit une déflation de 47% en 65 ans, suite à la fermeture des mines en 1978. La Communauté de communes du pays de Saint-Eloy compte aujourd’hui 16.000 habitants contre 25.500 en 1968, soit une déflation de plus de 37% en 50 ans. Saint-Eloy conserve une activité industrielle avec l’usine de laine de roche Rockwool. Les Ancizes (18.700 habitants dans l’intercommunalité) présentent une activité industrielle avec en particulier l’usine métallurgique Aubert & Duval. L’offre actuelle de transport public, entièrement routière, dégradée en termes de temps de parcours, divisée entre nord et sud (les deux pôles de Clermont-Ferrand et Montluçon et leurs périphéries situées sur cet axe se tournant désormais le dos alors qu'ils appartiennent à la même région) ne risquent pas d’inciter au  report modal, ni pour les voyageurs ni pour le fret.

 

-          Montluçon-Eygurande-Merlines (Ussel) (1893-2008).

 En 1956, cette ligne de 94km (109 jusqu’à Ussel) faisait partie du tableau horaire (Paris) Bourges-Aurillac via Montluçon. Elle était alorsDSCN1910 desservie par 2AR Montluçon-Ussel, 1AR Paris-Ussel de jour, 1AR Paris-Ussel de nuit, 1AR Montluçon-Auzances (46km). La station thermale d’Evaux-les-Bains, à 28km de Montluçon, l’un des deux pôles thermaux du bassin étudié avec Néris-les-Bains, voyait ainsi passer 5 trains par sens et par jour, dont deux origine Paris.

 Les temps de parcours Montluçon-Ussel s’étageaient entre 2h33mn et 2h43mn sur cette ligne au profil sévère qui gagne 500m d’altitude entre Montluçon et Eygurande-Merlines, de même qu’entre Eygurande-Merlines et Ussel. Il était au mieux de 37mn entre Montluçon et Evaux-les-Bains.

En 1995 il reste, en jour ouvrable de base, 2AR trains Montluçon-Ussel, 2AR train Montluçon-Auzances et 1AR autocar Montluçon-Auzances. S’y ajoutent trois fois par semaine (quatre fois en été)  1AR Montluçon-Evaux-les-Bains prolongé  une fois par semaine à Auzances et, une fois par semaine pour le week-end, 1AR Paris-Ussel. On est en pleine épidémie d’exceptions de circulations pour économiser des kilomètres-trains par petits bouts, transformant là encore la trame horaire en gruyère incompréhensible et, logiquement, contre-productif en terme commerciaux. Evaux-les-Bains est donc desservie 5 à 6 fois par jour depuis Montluçon, soit une très légère hausse en nombre de circulations de base par rapport à 1956 mais une forte perte en lisibilité, et Ussel 2 fois par jour (et 3 fois un seul jour semaine), soit une perte de 3 relations quotidiennes et celle des deux directs quotidiens avec Paris.

 Les temps de parcours s’étagent en 1995 dans le sens Montluçon-Ussel entre 1h43mn et 1h56mn, soit un gain notable de 50 minutes par rapport à 1956, temps de la vapeur. Entre Montluçon et  Evaux-les-Bains le meilleur temps de parcours est de 27mn, soit un gain de 10mn par rapport à 1956.  Ces accélérations ne parviendront pas à sauver cette ligne pourtant diamétrale, fermée en 2008 par manque de crédits pour quelques kilomètres de voie à renouveler.

En 2019, la relation Montluçon-Ussel est entièrement transférée sur route depuis 2008. Elle se résume à 2AR autocars de bout en bout par jour ouvrable de base en 2h46mn, l’un d’eux étant supprimé deux jours par semaine en période de vacances scolaires, les deux allers Montluçon-Ussel étant placés dans l’après-midi et l’autre sens dans la première partie de la journée. Un AR Montluçon-Ussel en transport public impose de passer une nuit à Ussel. S’y ajoutent 1AR Montluçon-Evaux-les-Bains-Auzances sauf les dimanches, et un Montluçon-Evaux-les-Bains  3 fois par semaine en période scolaire, ainsi qu’un 1AR Montluçon-Ussel encadrant les week-ends.

 Les temps de parcours s’élèvent à 2h46mn de Montluçon à Ussel, soit 1h06mn de plus qu’au meilleur horaire train de 1995 et légèrement plus qu’en 1956 au temps de la vapeur. Ils s’étagent entre 39mn et 42mn pour les rotations quotidiennes entre Montluçon et Evaux-les-Bains soit plus que les 37mn de 1956 et beaucoup plus que les 27mn de 1995 avec les relations trains. Les relations Paris-Ussel imposent désormais deux changements de train (Vierzon/Bourges et Montluçon) avec augmentation des temps de parcours.

Intérieur de la gare d'Evaux-les-Bains, fermée depuis 2008. Des quais longs pour les trains Paris-Ussel. Cl. RDS

 Conclusion.  Effondrement des fréquences passées de 5 à 2 de bout en bout, disparition des relations à longue distance, complexification d’un horaire pourtant squelettique : telle est la situation de cette ligne qui dessert pourtant un pôle touristique et sanitaire, Evaux-les-Bains, et relie Montluçon au Limousin.

 On assiste là encore à une véritable tiers-mondisation du transport public régional, à cheval sur deux autorités organisatrices (Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine), abandonné par l’Etat en matière de longue distance et de relations inter-régionales, techniquement dégradé avec son transfert sur route qui implique attentes en bord de voirie générale sans confort, risques routiers, absence d’informations en temps réel aux arrêts et, on l’a vu, dégradation massive des temps de parcours et des fréquences. Evaux-les-Bains, dont les thermes remontent à l’époque romaine, fut une ville hôtelière dont l’influence touristique touchait une région riche en patrimoine. La commune a compté jusqu’à 3.500 habitants au début du XXe siècle et n’en compte plus que 1.380 environ, subissant une déflation de 30% sur le seul dernier demi-siècle. Evaux-les-Bains ne compte plus qu’un hôtel, lié aux thermes, le tout tenu à bouts de bras par la municipalité. La municipalité organise un fréquent service de minibus des thermes jusqu'au bourg, poursuivi jusqu'à un centre commercial via la gare... où ne passe plus aucun train. La liquidation cynique de la desserte ferroviaire d'Evaux n’aura rien fait pour lui sortir la tête de l’eau, fût-elle excellente pour la santé.

Michel Gabriel LEON

(Nous étudierons dans un troisième et dernier article le diagnostic général des réseaux et des propositions de revitalisation).

© Raildusud 2019, tous droits de reproduction réservés.

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